Shein : la marque de fast fashion est-elle plus critiquable que Zara ou H&M ?

La marque Shein, symbole de l’ultra fast fashion, bouscule les géants comme Zara et H&M par ses prix bas et son rythme effréné de renouvellement des collections. Mais sa réputation soulève de nombreuses interrogations sur ses pratiques.

Un débat national relancé autour de la mode jetable

Alors que la plateforme chinoise Shein continue de séduire les consommateurs français avec ses prix cassés, un groupe de 83 députés, relayé dans les colonnes de La Tribune Dimanche, appelle à son interdiction pure et simple sur le territoire. Une prise de position radicale, motivée par l’impact environnemental jugé désastreux du modèle « ultra fast fashion » adopté par la marque. Pourtant, à chaque nouvelle polémique, une question revient inlassablement : pourquoi s’attaquer spécifiquement à Shein, alors que d’autres enseignes telles que Zara, H & M, ou encore Kiabi, recourent également à une fabrication massive en Asie ?

L’arbre qui cache une forêt de pratiques contestées

Pour de nombreux militants et spécialistes du secteur, le cas Shein ne doit pas occulter des dérives généralisées. Selon Pauline Debrabandere, responsable plaidoyer au sein de l’association Zero Waste France, « Pour nous, Shein c’est vraiment l’arbre qui cache la forêt. Dans les faits, ce sont les mêmes pratiques qui ont été mises en place par la fast fashion il y a vingt ou trente ans. » Cette organisation, intégrée au collectif « stop fast-fashion », souligne que le recours au transport aérien pour acheminer rapidement les marchandises n’est pas nouveau. Ce qui change aujourd’hui ? Le volume exponentiel atteint grâce aux géants chinois et à leurs marketplaces qui inondent le marché européen.

Entre qualité douteuse et incitation permanente à consommer

L’enquête réalisée récemment par Greenpeace Allemagne alimente l’inquiétude sur la sécurité des vêtements commercialisés. Sur 56 pièces achetées chez Shein, 18 dépassaient les seuils européens concernant certaines substances chimiques dangereuses. Face à ces accusations, la plateforme affirme avoir retiré les produits concernés. Mais d’autres acteurs du secteur sont aussi pointés du doigt : des analyses menées au Danemark révèlent des taux élevés de PFAS — ces fameux « polluants éternels » — non seulement sur Shein, mais également sur Temu et Amazon.

Par ailleurs, il est difficile d’ignorer le rythme effréné auquel se succèdent collections et promotions chez ces marques : jusqu’à 52 collections par an pour certains groupes historiques ; jusqu’à 315 000 nouveaux articles référencés en un an pour Shein, selon Nielsen — contre 6 850 pour Zara.

Le défi colossal des déchets textiles

Face à cette profusion de vêtements bon marché et souvent éphémères, un enjeu majeur se profile : la gestion des déchets textiles. La responsable plaidoyer évoque une crise aiguë du recyclage en France. Les bennes débordent tandis que l’association Le Relais, acteur central de la collecte, a même dû interrompre temporairement ses activités face à l’afflux massif d’habits usagés. Une situation qui illustre l’impasse d’un modèle où le renouvellement permanent prime sur la durabilité.

Si Shein cristallise tant de critiques aujourd’hui, c’est peut-être avant tout parce qu’il révèle — parfois crûment — les failles systémiques d’une industrie mondialisée que nul acteur ne semble pouvoir réformer seul.