Implantation physique de Shein : une menace inédite pour les enseignes françaises de mode ?

Image d'illustration. Shopping vetementsADN
Le géant chinois Shein, connu pour ses vêtements à bas prix et son modèle ultra-rapide, s’apprête à ouvrir des boutiques physiques en France. Cette incursion soulève de vives inquiétudes pour l’avenir des enseignes nationales de prêt-à-porter.
Tl;dr
- Shein ouvre des magasins, inquiétant la mode française.
- Les marques locales subissent restructurations et faillites.
- Arrivée physique de Shein : avantages mais risques évidents.
La tempête Shein secoue la mode française
IKKS vient d’être placée en redressement judiciaire, un nouveau coup dur pour le prêt-à-porter français. Cet événement survient seulement deux jours après l’annonce choc : Shein, géant chinois de l’ultra-fast-fashion, va s’installer dans six points de vente français, dont le prestigieux BHV Marais Paris et plusieurs enseignes des Galeries Lafayette. En moins de trois ans, les déboires se sont multipliés : de Camaïeu à Jennyfer, sans oublier San Marina ou GAP, de nombreuses marques iconiques des années 2000 ont disparu ou s’accrochent tant bien que mal. La situation reste morose pour les survivants comme Pimkie, en pleine restructuration.
L’arrivée physique, atout ou piège ?
Jusqu’ici absent du commerce physique, Shein change la donne. Selon Pascale Hébel, économiste du cabinet C-Ways, cette implantation n’a rien d’anodin : elle installe durablement la marque dans le paysage hexagonal et renforce son image auprès d’un nouveau public. Reste que pour l’instant, seuls six magasins sont concernés – une goutte d’eau face au réseau de concurrents historiques tels que Kiabi, qui aligne plus de 350 boutiques sur le territoire.
Si certains observateurs y voient un « coup de maître », d’autres s’interrogent sur les réels bénéfices pour Shein. L’ouverture physique pourrait faire perdre à l’entreprise deux avantages essentiels :
- Des prix cassés : entre 20 et 40 % moins chers que la concurrence.
- L’hyper-réactivité : jusqu’à mille nouveaux modèles testés chaque jour en ligne.
Difficile d’appliquer ce modèle à la logistique lourde du commerce physique.
L’équilibre du secteur menacé
Pour Pierre Talamon, président de la Fédération nationale de l’habillement (FNH) : « C’est de la concurrence déloyale… Comment voulez-vous qu’on lutte ? » Les règles du jeu semblent faussées. Tant que la future loi contre la fast-fashion n’est pas adoptée, Shein pourrait profiter d’une marge de manœuvre réglementaire supplémentaire. Un magasin ne peut être interdit par principe, contrairement à certaines importations taxées ou limitées.
Toutefois, une présence en boutique expose aussi Shein aux exigences françaises. La qualité réelle des produits sera jugée sur pièces par des clients désormais capables d’essayer avant d’acheter – un risque non négligeable pour une marque régulièrement critiquée sur ce point.
Avenir incertain pour tous les acteurs
Rien n’indique que le succès sera immédiat ni massif pour Shein en magasin. Par ailleurs, comme le note Laurence Toy-Riont (Pixis Conseils) : « C’est le consommateur qui va devoir arbitrer… Certains n’y survivront pas, mais ceux qui resteront seront transformés pour le mieux. » L’histoire est loin d’être écrite et chacun devra composer avec ce nouvel acteur disruptif qui rebat toutes les cartes du secteur.