BRMC : « On pense à enregistrer certains concerts » pour un album live (interview)
De passage à Lyon pour la tournée de leur album "Specter at the Feast", les Black Rebel Motorcycle Club (BRMC) ont répondu à nos questions.
Le 10 février dernier, le festival Les Nuits de l’Alligator s’est arrêté à Lyon. Les têtes d’affiche de ce festival itinérant étaient le groupe de rock californien Black Rebel Motorcycle Club, surnommé BRMC (c’est plus facile à prononcer). Après la 1ère partie assurée par l’étrange duo Dead Combo et la belle révélation Kid Karate, le trio a enflammé la salle du Radiant-Bellevue avec son blues-rock dévastateur pendant plus d’une heure trente. Dans le public, les blousons de cuir étaient de sortie, les petits doigts et les index levés vers le ciel. Ballades psychédéliques, moments acoustiques et ôdes au rock’n roll, le groupe de Peter Hayes a assuré un show proche de la perfection. Les BRMC ont fini le concert par leur célèbre morceau « Whatever Happened to My Rock ‘n’ Roll (Punk Song) ? » (Qu’est-devenu le rock’n Roll ?) ; la réponse est simple : il est avec les Black Rebel Motorcycle Club.
Vous êtes actuellement en pleine tournée à travers le monde. Vous avez joué à Bali, en Russie, en Amérique du Sud…Comment est le rock’n roll dans le monde. Comment les personnes le ressentent ?
Robert Levon Been : Ce n’est pas la même chose. On n’a aucune idée de ce qu’il va se passer. Nous n’avions jamais été au Vietnam par exemple. Il pouvait y avoir 2 personnes avec beaucoup d’inspiration ou 2.000 sans aucun souffle. Il faut y aller et voir par soi-même. Ca ne marche pas vraiment quand des personnes vous disent comment ça va être.
BRMC existe depuis 16 ans. Y a-t-il des chansons que vous adorez toujours jouer ou est-ce que ce sont davantage les nouvelles ?
Peter Hayes : Parfois, ça dépend de la foule présente. Il y a quelque chose de très vampirique dans ce travail. On vit des personnes d’une certaine façon. Plus ils nous donnent, plus c’est amusant. Mais, on ne peut se baser sur ça uniquement. C’est une des choses que nous devons faire. Trouver chaque chanson au fond de nous-mêmes et lui donner une sorte de but. Je pense que ça serait la même chose pour des vampires.
Robert Levon Been : Oui, il faut donner quelque chose en retour.
Peter Hayes : Il n’y a pas vraiment une chanson en particuliers…. (Il réfléchit). Non, il n’y en a pas. On pourrait penser que ce sont les nouvelles qu’on préfère, mais…
Robert Levon Been : J’aime comment on n’est jamais vraiment certains de combien les gens peuvent aimer une chanson, jusqu’à ce qu’on parte en tournée pour l’album suivant. J’aime découvrir comment les gens sont tombés amoureux des chansons de Beat the Devil’s Tattoo (ndlr : leur précédent album), ou certains morceaux qu’il se sont appropriés. Ce ne sont plus les nôtres à présent. Mais pendant la tournée de Beat the Devil’s Tattoo, les gens étaient encore en train de découvrir et connaître ces chansons. Ils ne les chantaient pas beaucoup. On ne pouvait pas le savoir. Sur cette tournée, on a découvert comment le public aimait les chansons de l’album Baby 81. C’est toujours dans la tournée d’après qu’on le découvre. Ce ne sont pas les chansons les plus excitantes ou le single du moment. Ce sont parfois d’autres pistes. Ca peut être surprenant.
Des projets pour un nouvel album ? Un live peut-être ?
Robert Levon Been : On pense à enregistrer certains des prochains concerts. Mais personne ne le sait encore. On n’est pas encore certains, c’est une possibilité.
La plupart de vos clips vous représentent sur scène. Ce sont même des extraits de concerts parfois. Ce ne sont pas de mini-films comme le font certains artistes. Pourquoi ?
Peter Hayes : On a essayé de faire des scénarios sur quelques chansons, par exemple sur What’s your Weapon of Choice, il y avait une mise en scène en quelque sorte, Love Burns aussi. (Il hésite). Je ne sais pas. Je pense qu’on n’a pas encore trouvé le story-board qui permette de traduire notre musique. On a eu beaucoup d’idées, on a réfléchi à certains story-boards, comme ils l’appellent… Mais la 1ère raison pour laquelle on ne les développe pas, c’est qu’on n’a pas l’argent pour le faire. Nous sommes en partenariat avec SOGR, notre maison de disques. Je ne sais pas pourquoi. C’est quelque chose auquel on ne pense pas : pourquoi l’histoire doit disparaître quand l’argent n’est plus là. Mais tout d’un coup, c’est le cas. Les gens ont besoin d’argent pour une histoire de temps en temps. Donc la plupart du temps, cela se résume à « ok, on va jouer ». Et c’est simple. C’est quelque chose qu’on aimerait faire un jour. On essaye en tout cas. On commence toujours avec une idée, on ne veut même pas franchement être dedans. Vraiment ! Ce n’est pas notre truc. Mais on finit toujours par faire ça par manque de temps : on monte sur scène, on joue et on voit ce qu’il se passe.
Ca dépend des circonstances alors.
Peter Hayes : Oui, mais les meilleures vidéos sont celles de nos fans qu’ils font par eux-même. Je les préfèrent largement aux nôtres. C’est ce que nous voulons putain ! C’est ce que nous avons toujours voulu depuis le 1er jour. Mais le business de la musique se met toujours dans le putain de chemin. Les gens aiment une de nos chansons et en font une vidéo. C’est la passion, l’argent ne se met pas en travers de ça. Ils ne nous demandent rien. Ils ne demandent pas d’argent à notre maison de disques. Juste parce qu’ils aiment notre musique. Je ne dis pas que c’est une mauvaise chose : les gens ont besoin d’argent pour vivre et les fans qui font ces vidéos en feront peut-être leur gagne-pain un jour. C’est bien. Mais ça peut venir dans le chemin, de n’importe qui.
Robert Levon Been : Il y avait cette vidéo de Shuffle your feet, il y a quelques années qui a été réalisée par un fan (Ndlr : Jeffrey Harrison Freeman) avec des bonhommes en bâton. C’était très simple. Elle a été réalisée gratuitement. C’était une des meilleures vidéos que je n’ai jamais vue. Au lieu d’avoir 15.000$ dépensés sur une vidéo, pour des gens payés beaucoup d’argent, ce gars a été inspiré. Donc l’important n’est pas combien vous êtes payés pour faire ça, mais le coeur que vous y mettez.
L’année dernière, vous avez participé à des festivals français (Rock en Seine, les Eurockéennes de Belfort) ? Que préférez-vous lorsque vous jouez sur scène : les festivals avec un large public ou des petites salles ?
Robert Levon Been : En Europe, j’ai l’impression que vous avez davantage accès à des festivals. Il y a pas mal de jeunes et c’est comme ça que vous découvrez de nouvelles musiques. C’est vraiment cool, on n’a pas ça aux Etats-Unis. Bien sûr, on a Coachaella, qui est devenu énorme, et certains essaient de copier le principe. Je pense que c’est une bonne éducation, une bonne façon de commencer et trouver ce que vous aimez. Mais une fois que vous l’avez trouvé, c’est bien d’en sortir dès que possible, de ne pas rester avec de la musique pour des fêtes en extérieur parce que ça ne correspond pas à toutes les musiques. Il y a de supers trucs à découvrir derrière des portes fermées.
Peter Hayes : Oui c’est assez différent. Les festivals, c’est un peu comme un juke-box. C’est comme ça que je le vois. Il y a une rotation de groupes qui font de leur mieux dans le temps qui leur est imparti. Ce qui est déjà bien. Mais pour le concert de ce soir, ce n’est pas une petite salle. On a fait de petites salles, croyez-moi (rires).
A quel point ?
Peter Hayes : A Bali, il y avait environ 90 personnes au maximum ce soir-là. Et on a commencé comme ça et on le fait toujours. Ca arrive. 150 personnes, c’est petit. Mais on a aussi fait des concerts dans des salons et on peut tasser 50 personnes à l’intérieur.
Sur votre page Facebook, on peut découvrir la « street posters/guerilla ». Qu’est-ce que c’est ?
Robert Levon Been: Un de nos fans en Indonésie a commencé à créer des posters et à les afficher un peu partout. D’autres fans ont commencé à poser des questions. On a décidé d’aider ceux qui étaient inspirés par cette idée. On a envoyé des posters à une centaine de gamins. Ca devait être juste pour la France, mais ça a pris de l’ampleur. C’est juste amusant. Il n’y a pas de grandes idées derrière ça. Ils ont commencé à prendre des paroles de nos chansons qui parlent à chacun d’une certaine façon. Et ça prend de plus en plus d’ampleur. On s’est retrouvé à court d’argent pour les faire et maintenant les fans les font de leur côté, il y a des graffitis. C’est une bonne façon de se connecter aux gens en dehors d’être dans votre chambre à écouter l’album. On n’aime pas beaucoup les réseaux sociaux de manière générale. Mais j’aime cette idée des posters, ça a quelque chose de plus organique, de plus naturel.
Est-ce vous qui gérez les pages Facebook et Twitter du groupe ?
Robert Levon Been : C’est une de nos fans. Elle a commencé en tant que fan, maintenant c’est une amie à nous, Paulette. Elle s’occupe de Facebook et Twitter. Mais nous, on n’y va pas, on ne poste pas de trucs. C’est une fille géniale, elle le fait parce qu’elle aime la musique. Et on a aussi un ami à nous, un écrivain, Ian Ottoway qui s’occupe de notre blog. Il est dans son propre monde. Il est aussi un peu derrière cette histoire des posters. C’est à cause de lui (rires).
Pour résumer, cette guerilla des posters est votre façon d’être en contact avec vos fans ?
Robert Levon Been : On a fait ça juste pour s’amuser. Nous sommes reconnaissants envers toute personne qui veut en accrocher, qui veut faire passer le message. On les laisse venir aux balances ou après le concert et on leur donne des billets gratuits. On essaie de ne pas maintenir une distance.
Peter Hayes : Je voudrais juste dire un truc sur le danger de Facebook, Twitter et ce genre de choses. Ca crée un mur d’irréalités toutes ces merdes et c’est quelque chose dont on ne veut pas faire partie. Donc c’est une façon de casser cette barrière aussi. Quand on fait participer les gens, on ne le fait pas pour notre seul avantage. On veut leur donner quelque chose en échange, des billets pour les concerts, ce genre de trucs. Il y a une très fine barrière avec ça. On a l’impression d’être proche des gens avec les réseaux sociaux, mais ce n’est pas vrai. C’est dangereux, ça peut devenir quelque chose de très égoïste. Donc, c’est notre façon de rendre ça un peu plus humain, et moins comme un business.