Procès Péchier : la chute du célèbre anesthésiste de Besançon, pris au piège de l’enquête

Image d'illustration. Vue d ensemble d une salle d audience françaiseADN
Le parcours judiciaire de Frédéric Péchier, anesthésiste reconnu à Besançon, a pris un tournant décisif avec la clôture de l’enquête le visant pour plusieurs cas d’empoisonnements présumés survenus au sein de cliniques locales.
Tl;dr
- Enquête complexe sur des empoisonnements présumés en bloc opératoire
- L’ex-anesthésiste Frédéric Péchier accusé de 30 cas
- Douze décès, procès en cours à Besançon
Une scène de crime hors du commun à la clinique
Dans les couloirs aseptisés de la clinique Saint-Vincent, le bloc opératoire s’est soudainement transformé en scène de crime inhabituelle. Ce mardi 9 septembre 2025, à la barre de la cour d’assises du Doubs, le directeur d’enquête Olivier Verguet a relaté les difficultés rencontrées : relever des empreintes ou des traces ADN dans un « lieu à l’hygiène maximale » relève presque de la mission impossible.
Ici, pas d’armes classiques, mais des médicaments ordinaires, manipulés quotidiennement, qui deviennent, dans cette affaire hors norme, les instruments présumés d’un drame.
Le démarrage d’une enquête tentaculaire
Tout commence début 2017 par un événement brutal et inexpliqué : Sandra Simard, patiente jeune et en bonne santé, subit un arrêt cardiaque durant une intervention du dos. Les médecins ne trouvent aucune raison évidente à cet incident survenu le 11 janvier ; rapidement, les poches de soluté utilisées sont saisies pour analyse. La découverte choque le personnel : l’une d’elles contenait une concentration de potassium cent fois supérieure à la normale.
Dans la précipitation, c’est le docteur Frédéric Péchier qui assiste à la réanimation et recommande l’administration du gluconate de calcium – antidote reconnu contre la surcharge potassique. Mais les témoignages sèment le doute : comment a-t-il pu établir ce diagnostic sans élément tangible ? L’établissement prévient alors le parquet de Besançon.
L’étau se resserre autour du médecin
Quelques jours plus tard, alors même que les enquêteurs sont sur place, un second arrêt cardiaque frappe un patient anesthésié par le Dr Péchier. Cette fois encore, l’enquête révèle une intoxication à un anesthésique local – la mépivacaïne. Étonnamment, l’anesthésiste signale lui-même des poches suspectes et clame avoir été victime d’un acte malveillant : « Ça y est, je m’en suis pris un ! », aurait-il lancé.
Néanmoins, pour les enquêteurs, un soupçon s’impose : aurait-il orchestré cet événement pour se disculper ? Ces deux incidents qualifiés d’EIG (événements indésirables graves) déclenchent l’ouverture rapide d’une information judiciaire.
Un procès retentissant et des vies brisées
Au fil des investigations – longues et parfois déroutantes – les policiers relient plusieurs dossiers aux caractéristiques troublantes : horaire matinal des faits, mode opératoire similaire, présence récurrente du médecin sur les lieux… Au total, ce sont trente patients âgés de 4 à 89 ans qui auraient été victimes de contaminations volontaires de poches de soluté ou de paracétamol entre 2008 et 2017 ; douze n’y ont pas survécu.
Mis en examen successivement pour sept puis dix-sept puis six nouveaux cas supplémentaires au fil des années, l’ancien « star » locale comparaît aujourd’hui libre devant ses juges mais encourt la perpétuité. Selon l’accusation, il aurait voulu nuire à certains collègues tout en démontrant ses propres qualités de réanimateur. Face aux accusations persistantes – et malgré une vie personnelle désormais brisée –, Frédéric Péchier continue inlassablement d’affirmer : « Je n’ai jamais empoisonné personne. »