Plan contre la fraude sociale : le gouvernement accusé de manquer sa cible et de pénaliser les plus précaires

Image d'illustration. Planchette avec checklist et styloADN
Le nouveau plan gouvernemental visant à combattre la fraude sociale suscite la controverse, certains y voyant des mesures inadaptées et stigmatisantes pour les plus précaires, tandis que d’autres s’interrogent sur l’efficacité réelle du dispositif proposé.
Tl;dr
- La moitié des fraudes vient des employeurs, pas des allocataires.
- Le transport sanitaire, cible d’un contrôle accru.
- Craintes d’un discours anti-pauvres et populiste.
Le projet antifraude sociale sous le feu des critiques
Parmi les annonces phares du gouvernement sur la lutte contre la fraude sociale, la présentation par la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, a fait couler beaucoup d’encre.
Pourtant, derrière l’affichage d’une fermeté accrue contre les fraudeurs, certains experts pointent une orientation jugée déséquilibrée : les véritables responsables ne seraient pas toujours ceux que l’on croit.
Des employeurs trop peu visés par le texte
Selon le rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), repris par plusieurs économistes tels que Nicolas Da Silva et Frédéric Bizard, «la moitié environ des 13 milliards d’euros de préjudice estimé provient des cotisations sociales éludées, autrement dit du travail dissimulé ou non déclaré par les employeurs». Pourtant, dans ses grandes lignes dévoilées dans Le Parisien, le projet de loi se concentre avant tout sur un renforcement du contrôle des allocataires et un meilleur recouvrement en cas de «fraude avérée». Possibilité de débiter directement le compte bancaire d’un fraudeur, extension des capacités de récupération sur les allocations chômage : autant de mesures qui risquent surtout d’impacter les particuliers.
Face à cela, l’essentiel du volet concernant les entreprises se résume à une disposition : «bloquer leurs comptes bancaires pendant la période de contrôle pour éviter qu’elles organisent leur insolvabilité». Pour nombre d’observateurs, c’est bien mince au regard de l’importance réelle de la fraude patronale.
Taxis et transports sanitaires dans le viseur
Autre terrain sensible : le secteur du transport sanitaire. Les transporteurs – en particulier les taxis – devront s’équiper d’ici à 2027 de systèmes électroniques de facturation intégrée reliés à la géolocalisation. Un durcissement justifié officiellement par l’augmentation du nombre de kilomètres facturés ; il n’en fallait pas plus pour faire réagir la profession. «Catherine Vautrin stigmatise une profession en en faisant des potentiels fraudeurs alors même que ces dispositifs sont déjà en cours d’installation sur demande de l’Assurance maladie», souligne Dominique Buisson, responsable à la Fédération nationale du taxi.
Du côté des experts interrogés, certains notent que cette hausse s’explique aussi logiquement par la concentration des structures hospitalières : «Moins il y a de lieux de soins accessibles, plus il faut transporter loin les patients.»
L’épineuse question du discours politique
En filigrane émerge une critique plus globale quant à la philosophie politique du texte. Pour Frédéric Bizard comme pour le HCFiPS, focaliser l’attention publique sur les allocataires nourrit «un discours anti-pauvres et populiste : difficile politiquement de s’opposer à un projet affichant la lutte contre la fraude». Pourtant, si l’on regarde les chiffres : seuls 34 % des fraudes sont attribuables aux assurés sociaux contre 56 % venant des entreprises et indépendants.
Une chose est sûre : entre communication politique et efficacité réelle contre toutes formes de fraude sociale, le débat est loin d’être clos.