Licenciement du DG Laurent Freixe chez Nestlé : relations amoureuses au travail, où est la limite ?

Image d'illustration. Mains des employés en tensionADN
Laurent Freixe, directeur général de Nestlé, a été remercié après la révélation d’une liaison avec une collègue. Ce fait relance le débat sur les règles encadrant les relations amoureuses entre collaborateurs et supérieurs hiérarchiques en entreprise.
Tl;dr
- Relations amoureuses au travail légalement permises en France.
- Licenciement possible seulement en cas de trouble avéré.
- Pas d’obligation de déclarer sa relation à l’employeur.
Un licenciement qui relance le débat sur l’amour au bureau
La récente éviction de Laurent Freixe, directeur général du géant suisse Nestlé, pour « relation amoureuse non déclarée avec une subordonnée directe », a ravivé une question sensible : jusqu’où les entreprises peuvent-elles s’immiscer dans la vie sentimentale de leurs salariés ?
Un épisode qui n’est pas isolé : on se souvient, il y a quelques mois, du départ fracassant d’Andy Byron, patron d’Astronomer, et de sa directrice des ressources humaines, suite à la diffusion publique de leur relation lors d’un concert.
Législation française : le droit à la vie privée protégé
Contrairement à ce que l’on observe parfois aux États-Unis, la France fait figure d’exception en matière de législation. Le respect de la vie privée demeure un principe intangible, consacré par l’article 9 du Code civil et par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. L’avocate Sabrina Adjam résume : « Un salarié ne peut pas être sanctionné pour des faits relevant de sa vie privée, comme entretenir une relation avec un collègue. »
Même les lois Auroux de 1982 réaffirment cette protection dans le monde professionnel. Ainsi, toute sanction ou licenciement fondé uniquement sur l’existence d’une relation sentimentale entre collègues s’avère juridiquement discutable.
Ce que disent vraiment les textes et la pratique
Pourtant, certaines situations tendent à brouiller les lignes. L’affaire Nestlé, où il est reproché au dirigeant une « infraction au code interne » pour absence de déclaration, interroge. Or, rien dans le droit français n’impose à un salarié d’informer son employeur d’une liaison amoureuse avec un collègue. Cette obligation existe dans certaines sociétés étrangères mais n’a pas cours dans l’Hexagone.
Néanmoins, si une relation crée un trouble manifeste au sein d’une entreprise — favoritisme avéré, conflits d’intérêts flagrants ou atteinte au bon fonctionnement collectif —, la justice pourrait valider une sanction disciplinaire. Ce fut le cas pour deux salariés d’un magasin Leroy Merlin, dont les conditions de travail avaient été modifiées après révélation de leur couple : le Défenseur des droits avait alors reconnu une discrimination injustifiée.
Voici ce que risquent réellement les couples au bureau :
- Aucune obligation légale de déclarer sa relation intime.
- Licenciement possible uniquement si trouble caractérisé ou manquement à la loyauté.
- Charte interne trop restrictive souvent jugée abusive par les tribunaux.
L’équilibre subtil entre vie privée et entreprise
Au final, tout se joue dans la nuance. Les relations sentimentales sur le lieu de travail restent courantes (14 % des couples se sont rencontrés au travail selon l’Ifop) mais exigent discrétion et discernement afin de préserver l’harmonie collective et la bonne marche des équipes.
Entre exigences professionnelles et aspirations personnelles, trouver cet équilibre relève autant du droit que du bon sens partagé.