Les deux Soudans à nouveau en guerre
Cinq civils ont été tués et six autres blessés dans un raid aérien lancé samedi par le Soudan sur la ville de Bentiu. (Sud Soudan). Dimanche, ce sont 14 premiers prisonniers de guerre qui ont été amenés par avion à Juba, la capitale du Sud. Sept ans après la signature d’un accord de paix entre les deux territoires, une nouvelle guerre s’enclenche.
Une bombe est tombée samedi en début d’après-midi à proximité d’un marché de Bentiu, au Sud, faisant ainsi cinq morts parmi les commerçants. Les 14 prisonniers nordistes auraient quant à eux été capturés lors d’affrontements autour du puits pétrolier d’Heglig, situé quelques dizaines de kilomètres au nord de la frontière et occupé par les Sudistes depuis mardi 10 avril. Plusieurs raids aérien menés par Khartoum depuis quelques jours chercheraient à détruire un pont à proximité de Bentiu, vraisemblablement afin d’éviter toute progression des troupes de l’armée sud-soudanaise en direction du Nord.
On craignait l’éventualité d’une guerre, aujourd’hui, bombardements et prisonniers prouvent qu’elle ne saurait être évitée. Chaque gouvernement en appelle respectivement à une mobilisation de sa population, mettant ainsi un terme aux pourparlers d’Addis Abeba, qui, depuis la proclamation de l’indépendance du sud en juillet 2011, tentaient de résoudre les points de désaccord entre les deux Etats. Point central des discussions, la question de la gestion des ressources pétrolières entre nord et sud ne saurait donc être réglée autrement que par les armes.
Le pétrole : point essentiel de discorde
En gagnant son indépendance le 9 juillet 2011, le Soudan du Sud a également gagné l’essentiel des ressources pétrolières du territoire. A l’occasion du sommet arabe tenu à Baghdad à la fin du mois de mars, Omar El Béchir s’est ainsi vu contraint de lancer un appel à l’aide auprès de ses pays amis : lourdement endetté, et privé de ses anciennes exportations de pétrole, Khartoum est à la recherche d’investissements étrangers… Appel au secours jusqu’ici resté lettre morte, qui conduit du même coup le Président du Nord à prendre les armes pour récupérer ce qu’il considère comme « son dû ». La prise du puits nordiste d’Heglig par le Sud n’aura finalement été que le détonateur d’un conflit qui couvait depuis des mois.
Au-delà même de la guerre qui semble s’enclencher entre les deux territoires, c’est la stabilité politique de toute la zone qui pourrait être menacée par une confiscation de l’or noir par le Sud. Ces ressources, bien que vitales pour la survie du Nord, ne sauraient en effet être considérées comme un simple enjeu économique : le gouvernement de Khartoum, qui depuis des années a toujours privilégié une politique de sécurité à l’intégration ethnique, utilisait jusqu’ici les revenus pétroliers pour acheter la paix sociale à certains groupes rebelles de l’ouest et du nord. Après 20 ans de guerre civile entre Nord et Sud, un conflit au Darfour provoquant depuis près de 10 ans une crise humanitaire sans précédent, l’ex plus grand pays africain pourrait très vite basculer un peu plus dans le chaos.