Pourquoi l’OQTF est-elle rarement mise en œuvre en France : éclairage suite au meurtre de Philippine
Avec plus de 130 000 obligations de quitter le territoire français (OQTF) déclarées et seulement 10 000 mises en œuvre, on peut s'interroger sur le grand écart entre ces chiffres. Quels sont les mécanismes administratifs qui pourraient expliquer cette situation ?
Tl;dr
- Plus de 130 000 obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcées en 2022, seulement 6,9% exécutées.
- Le profil du suspect du meurtre de Philippine suscite des interrogations sur l’efficacité des OQTF.
- La loi immigration de 2024 a durci les conditions d’expulsion des sans-papiers, mais son application reste problématique.
Le mystère des OQTF non exécutées
Plus de 130 000 obligations de quitter le territoire français (OQTF) ont été prononcées en 2022, mais seulement 6,9% d’entre elles ont été appliquées. Comment comprendre un tel écart entre les décisions prises et leur mise en œuvre ? Examinons les mécanismes administratifs pour mieux comprendre.
Un suspect sous le coup d’une OQTF
Les questions se multiplient depuis la découverte du corps de Philippine au bois de Boulogne. Un suspect a été interpellé en Suisse, comme l’a rapporté notre correspondant local d’actu Paris. Le Marocain de 22 ans avait été condamné en 2021 à une peine de sept ans de prison pour un viol. Assigné à résidence et sous le coup d’une OQTF dès son arrivée au centre de rétention administrative, il a finalement été libéré le 3 septembre 2024.
Un système inefficace ?
En réalité, ces décisions administratives sont rarement appliquées. En effet, comme l’explique à directs.fr Me Blandine Marty, spécialiste en droit des étrangers à Limoges, « dans les faits, beaucoup d’OQTF sont édictées, mais très peu sont exécutées ; à la fois de la part des personnes notifiées et des autorités ». Cela est confirmé par les chiffres de la Cour des comptes.
Il est également de plus en plus facile d’édicter une OQTF et l’arsenal juridique à la disposition des autorités n’a jamais été aussi étendu. La loi immigration portée par l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a durci les conditions d’expulsion des sans-papiers. Elle supprime par exemple les protections juridiques dont bénéficiaient certains étrangers en situation d’irrégularité.
Une réalité complexe
Les personnes sous OQTF sont souvent des parents avec enfants scolarisés, des couples, des enfants mineurs, des mères isolées ou des personnes âgées avec des problématiques de santé. Malgré leurs situations difficiles, ils sont souvent employés par des entreprises en manque de main-d’œuvre, qui embauchent en connaissance de cause.
Autre obstacle à l’exécution des OQTF : le « laissez-passer consulaire », nécessaire pour renvoyer une personne sous OQTF dans son pays. Ce document, souvent difficile à obtenir, est au cœur d’une bataille diplomatique entre différents pays, comme l’Algérie, le Maroc et la France.
Malgré un arsenal juridique de plus en plus dur, l’application des OQTF reste un défi majeur pour les autorités françaises.