Néonicotinoïdes : les enjeux clés qui ont déclenché la fronde contre la loi Duplomb

Image d'illustration. Équipement agricole pulvérisant un champADN
Les néonicotinoïdes, insecticides au cœur de nombreuses controverses, sont à l’origine d’une pétition citoyenne qui remet en cause la loi Duplomb. Retour sur les principaux enjeux soulevés par ces substances et leur encadrement législatif.
Tl;dr
- Risque sanitaire des néonicotinoïdes reste très incertain.
- Réintroduction de l’acétamipride vivement contestée en France.
- Des études humaines manquent pour trancher sur les dangers.
Retour controversé de l’acétamipride en France
Sous la pression des producteurs de betteraves et de noisettes, le Parlement a adopté, le 8 juillet, la loi Duplomb. Celle-ci réintroduit, sous conditions et sans délai, l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes. Interdit en France depuis 2018 mais toujours autorisé en Europe jusqu’en 2033, ce produit est notamment jugé nocif pour les abeilles.
Sa remise sur le marché hexagonal n’a pas tardé à déclencher une vive réaction citoyenne : une pétition lancée par une étudiante et qualifiant l’insecticide de « poison » a recueilli un chiffre record : 1,3 million de signatures au matin du 21 juillet sur le site de l’Assemblée nationale.
Néonicotinoïdes : quels risques pour la santé humaine ?
S’il est établi que ces pesticides nuisent fortement à l’environnement, leur impact sur la santé humaine suscite depuis quelques années de sérieux questionnements. Leur spécificité tient à leur mode d’action : ils ciblent directement le système nerveux. D’où des inquiétudes récurrentes concernant leurs effets neurologiques, notamment lors du développement du cerveau chez l’enfant et l’adolescent. On s’interroge aussi sur leur rôle potentiel comme perturbateurs endocriniens, ou dans la survenue de cancers.
La communauté scientifique s’accorde cependant à reconnaître que les connaissances restent largement lacunaires. Pour reprendre les termes employés par l’agence sanitaire européenne (Efsa) en mars 2024, il subsiste « d’importantes incertitudes » quant aux effets neurodéveloppementaux de l’acétamipride. L’autorité recommande donc d’abaisser drastiquement les seuils jugés acceptables, faute d’études suffisantes.
Lacunes scientifiques et premiers signaux d’alerte
Aujourd’hui, il existe peu de recherches directes chez l’humain sur les néonicotinoïdes. Selon Sylvie Bortoli, toxicologue à l’Inserm, « ces pesticides ont été peu étudiés quant à leurs effets sanitaires chez l’homme ». Les rares données disponibles proviennent principalement :
- D’études in vitro montrant des dommages aux neurones exposés au laboratoire ;
- D’expérimentations animales ayant relevé troubles neurologiques et cancers chez la souris ;
- D’enquêtes épidémiologiques limitées — comme celle menée en Californie auprès d’environ 300 familles exposées durant la grossesse, évoquant un retard du développement intellectuel chez certains enfants.
Cependant, ces résultats ne permettent pas encore d’affirmer que les niveaux d’exposition réels engendrent effectivement des pathologies humaines.
Besoins urgents d’études épidémiologiques robustes
Pour avancer, le consensus scientifique insiste sur la nécessité impérieuse de multiplier les grandes études épidémiologiques. Elles seules pourraient éclairer si la toxicité démontrée au laboratoire se traduit concrètement par des problèmes dans la population générale — qu’il s’agisse d’agriculteurs manipulant directement ces produits ou des consommateurs indirectement exposés via leur alimentation.
Faute de telles preuves solides aujourd’hui, le débat public reste dominé par la prudence… et par la méfiance croissante envers le retour précipité des néonicotinoïdes dans nos champs.
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