Justice : c’est quoi, l’affaire des “sondages de l’Élysée” ?
Le procès qui débute ce jour se base sur des présomptions de favoritisme et de détournement de fonds publics.
Lundi 18 octobre 2021 s’est ouvert devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris le procès dit des “sondages de l’Élysée“. Il concerne six personnes membres de la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy, dans une affaire de recel, de favoritisme et de détournement de fonds publics.
Pendant un mois, l’ombre de l’ancien président de la République planera également sur ce procès, deux semaines après sa condamnation dans l’affaire Bygmalion.
Des irrégularités remarquées en 2009
Pendant l’été 2009, alors que Nicolas Sarkozy est président, la Cour des comptes publie un rapport pointant certaines irrégularités concernant les commandes de sondages effectuées par le cabinet du président de la République.
Ces derniers, commandés à neuf instituts, portaient à la fois sur la politique du président mais aussi sur des affaires privées, comme sur un éventuel mariage de Nicolas Sarkozy avec Carla Bruni, la grossesse de Rachida Dati, ou encore sur la vie politique en général et les adversaires du président.
D’après la Cour des Comptes, plusieurs conventions de fourniture de sondages ont été signées sans respect des règles de concurrence alors que cette mise en concurrence est obligatoire lorsqu’il s’agit de marchés passés par l’État.
Aucun appel d’offres n’a été lancé pour ces contrats, et la Cour des comptes estime que leur montant “exorbitant”. Ainsi, le contrat signé avec la société PubliFact a par exemple coûté 2,7 millions d’euros à l’Elysée. D’autres ont été signés avec les instituts Ipsos ou Ifop, toujours sans mise en concurrence.
Raymond Avrillier, un militant écologiste et ancien élu en Rhône-Alpes, a pu obtenir le rapport et l’association Anticor porte plainte en 2010. Dans un premier temps, le parquet de Paris ne donne pas suite, estimant que Nicolas Sarkozy tout comme ses collaborateurs sont alors protégés par l’immunité présidentielle.
Mais en 2013, Anticor obtient gain de cause car la Cour de Cassation estime que les collaborateurs ne sont pas couverts par l’immunité présidentielle.
Les personnes concernées par le procès
Quelles sont les personnalités jugées ?
Patrick Buisson : ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, le patron de Publifact il est jugé pour “recel de favoritisme”, “détournement de fonds publics” et “abus de biens sociaux”. La justice estime que M. Buisson a profité d’une somme de 2,7 millions d’euros. En ce qui concerne l’abus de biens sociaux, il est soupçonné d’avoir fait payer près de 180 000 euros de dépenses personnelles à ses sociétés. Peine encourue : jusqu’à 7 ans d’emprisonnement maximum et 375 000 euros d’amende.
Pierre Giacometti : directeur de l’institut Ipsos jusqu’à 2008, il fonde ensuite la société Giacometti Péron & Associés, un cabinet de conseil en communication. Au mois de mars de cette même année, une mission de “conseil en stratégie” et “communication” est signée avec l’Élysée. Le Parquet national financier estime que le Code des marchés publics aurait dû s’appliquer. Peine encourue : 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.
Claude Guéant : “favoritisme” et “détournement de fonds publics par négligence” sont les motifs de la comparution de celui qui était alors secrétaire général de l’Élysée. Il aurait “organisé” la signature des contrats avec les sociétés de Patrick Buisson et Pierre Giacometti, mais aussi “ordonné” et “validé” d’autres enquêtes commandées par un membre du cabinet auprès d’Ipsos, de l’Ifop, d’OpinionWay et de TNS. Peine encourue : 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Emmanuelle Mignon fut directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy pendant un an. Elle a apposé sa signature aux contrats avec Publifact et avec la société de Pierre Giacometti. Poursuivie pour favoritisme et détournement de fonds publics par négligence, elle encourt 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Jean-Michel Goudard, conseiller stratégie, et Julien Vaulpré, conseiller technique en charge de l’opinion, comparaissent quant à eux pour “favoritisme”. Peines encourues : 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende.