Abdoulaye Wade ira-t-il jusqu’à son troisième mandat ?
En validant la candidature d’Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle, le Conseil constitutionnel sénégalais a plongé le pays dans l’incertitude la plus complète. De violentes manifestations cette semaine à Dakar ont déjà causé la mort de quatre personnes.
Un Conseil constitutionnel manipulé
On le pensait grand démocrate, on le prenait en exemple sur le continent africain. Pourtant, après 12 années passées au pouvoir, Abdoulaye Wade brigue, envers et contre tous, son troisième mandat à la tête de l’État sénégalais. Entré en fonction en 2000 à la suite d’élections remarquées internationalement pour leur bon déroulement, il réforme le statut constitutionnel de la fonction présidentielle l’année suivante, instaurant ainsi un quinquennat renouvelable une fois. De cette réforme nait la contestation de sa candidature aux prochaines échéances, fixées au 26 février 2012, après avoir été réélu en 2007.
En effet, si le Conseil constitutionnel a validé cette candidature au motif que la réforme, survenue alors que le président Wade était déjà en fonction, ne saurait lui être appliquée qu’en 2017, car non-rétroactive, le doute sur sa légalité subsiste. L’article 104 précise en effet que « toutes les dispositions de la présente Constitution s’appliquent au président en exercice ».
Autre preuve, s’il en fallait une, que l’institution suprême a totalement perdu son indépendance et se laisse dicter sa conduite par le président lui-même, la candidature du célèbre chanteur et homme d’affaires Youssou N’Dour, a quant à elle été rejetée. Prétextant que les 10 000 signatures recueillies par le candidat pour être autorisé à participer au scrutin n’auraient pu être certifiées, le Conseil évince ainsi de la course un challenger qui ne cessait de gagner en popularité.
Mobilisés par l’opposition, les contestataires comptent leurs morts
Alors qu’il n’existe désormais plus aucun recours légal pour contester cette candidature, l’opposition et la société civile, regroupées au sein du mouvement du 23 juin (M23), exigent malgré tout son retrait immédiat. À l’appel du M23, plusieurs milliers de personnes s’étaient ainsi rassemblées mardi 31 janvier à Dakar pour manifester contre les décisions du Conseil. La protestation a fait un mort, renversé par un véhicule alors que la police s’employait à disperser les manifestants. trois autres personnes sont également décédées cette semaine au cours des différents rassemblements organisés à travers le pays.
Pourtant, le candidat Wade ne tremble pas. Si l’an passé, son impopularité lui faisait craindre une éventuelle éviction du pouvoir, au point de tenter une nouvelle réforme visant à ramener de 50 à 25% la majorité permettant d’être élu au premier à tour à la tête de l’État, il semble aujourd’hui sûr de lui.
Minimisant ci et là la contestation populaire, il menace à présent l’opposition : “Nous sommes des libéraux, nous sommes très tolérants, et je pardonne beaucoup, mais nous n’accepterons pas que des gens sabotent délibérément les élections”, a-t-il asséné ce samedi, en marge de l’inauguration du premier centre de contrôle technique des véhicules.
À qui profitera la campagne ?
À 86 ans, Abdulaye Wade sait qu’il reste pour l’instant le favori sur le papier et qu’il a toutes les chances de l’emporter s’il parvient à mener campagne jusqu’au jour du scrutin. Le 26 février prochain, il affrontera 13 autres candidats, qui n’ont pas été capables de s’entendre sur une candidature unique. Youssou N’Dour écarté, trois d’entre eux pourraient être considérés comme d’éventuels challengers. Mais à trois semaines du premier tour, un dispersement des voix de l’opposition qui profiterait au président sortant est plus que jamais à craindre.
La campagne présidentielle a officiellement démarré le dimanche 5 février à minuit. Les huit candidats appartenant au M23, bien décidés à empêcher Wade d’aller au bout, ont d’ores et déjà appelé à une remobilisation des manifestants. Les récentes déclarations d’Abdulaye Wade laissent quant à elles supposer qu’il entend étouffer, pour ne pas dire mater, la contestation qui se répand à travers le pays.