Publication d’un roman inédit de Georges Perec 30 ans après sa mort
« Le Condottière » paraîtra le 1er mars prochain en France, en Suisse et en Belgique. Considéré par son auteur comme « le premier roman abouti » qu'il ait écrit, il avait été refusé par les éditeurs en 1960.
Il aura fallu attendre 52 ans pour que le premier roman de Georges Perec soit publié. Une œuvre à mi-chemin entre polar et histoire de l’art où un peintre faussaire assassine son commanditaire alors qu’il tente vainement de reproduire « Le Condottière » d’Antonello de Messine.
Cette publication offre un nouveau regard sur le travail de Georges Perec. Ainsi, l’on découvre que le peintre, personnage central du livre, s’appelle Gaspard Winckler, un nom que l’on retrouve dans « W ou le souvenir d’enfance » ou encore « La vie mode d’emploi ». « Maintenant qu’on connaît toute l’œuvre de Georges Perec, l’arbre et ses branches, voir désenfouies les racines, entrevoir où elles plongent, comment elles s’enchevêtrent, cela devient très excitant » raconte Claude Burgelin dans la préface du livre.
L’histoire de « Le Condottière » n’est pas sans lien avec l’histoire de l’écriture de ce roman. À l’instar du peintre qui modifie et peaufine inlassablement son tableau, Georges Perec a retravaillé mainte et mainte fois ce texte, pendant des années. D’abord baptisé « La Nuit » puis « Gaspard », « Gaspard pas mort » et enfin « Le Condottière », le récit ne trouve pas grâce auprès des éditions du Seuil. Qu’à cela ne tienne, en 1959 la grande maison Gallimard décide d’accorder un à-valoir de 75 000 francs à l’auteur, alors âgé de 23 ans. Un an et demi plus tard, nouvelle déception, l’éditeur refuse finalement de publier son roman sous le prétexte que « trop de maladresses et de bavardages aient braqué plusieurs lecteurs ».
Georges Perec écrit alors à son ami Jacques Lederer : « Merde à celui qui le lira (…). Le laisse où il est pour l’instant du moins. Le reprendrai dans dix ans, époque où ça donnera un chef-d’œuvre ou bien attendrai dans ma tombe qu’un exégète fidèle le retrouve dans une vieille malle t’ayant appartenu et le publie. » Et c’est précisément ce qu’il s’est passé. Longtemps oublié, le tapuscrit du roman et finalement retrouvé au début des années 1990 par le biographe de l’auteur, David Bellos, chez Alain Guérin, ancien journaliste à L’Humanité. « Le Condottière » reprend les armes.
Ce n’est qu’en 1965 que Georges Perec voit son premier roman publié. Intitulé « Les choses », il remporte le prix Renaudot. Treize ans plus tard, l’auteur reçoit le prix Médicis pour « La vie mode d’emploi », qui sera traduit dans le monde entier. Le 1er mars prochain, « Le Condottière », le véritable premier roman de Georges Perec, verra le jour. Une publication à l’arrière goût amer mais qui nous parvient enfin, 2 jours avant le trentenaire de la mort de l’écrivain. Georges Perec n’avait pas dit son dernier mot.