Protoxyde d’azote : l’usage s’envole, mais sa détection au volant reste un défi

Visuel détaillé d'une cartouche d'oxyde nitreux avec une surface métallique réfléchissant la lumière ambiante.ADN
Alors que l'usage du protoxyde d'azote connaît une hausse fulgurante, les autorités s’inquiètent de ses dangers sur la route. Son principal atout pour les usagers : il demeure indécelable lors des contrôles au volant.
Tl;dr
- Accidents mortels liés au protoxyde d’azote en hausse.
- Absence de test rend la répression difficile.
- Une loi sur le « gaz hilarant » à l’étude.
Protoxyde d’azote : une menace sourde sur les routes françaises
La multiplication des drames impliquant le protoxyde d’azote inquiète, tant les conséquences se révèlent souvent tragiques. Il y a peu, trois adolescents ont perdu la vie à Alès, dans le Gard, leur véhicule ayant terminé sa course dans la piscine d’un pavillon après un virage manqué. À l’intérieur, plusieurs bonbonnes du fameux « gaz hilarant » ont été retrouvées. Le drame n’est pas isolé : un mois plus tôt, c’est un jeune de 19 ans, Mathis, qui succombait à Lille.
Pour le procureur de la République d’Alès, l’explication est glaçante : « Ce n’est pas le choc de l’accident qui les a tués. Ils se sont retrouvés la tête retournée, dans de l’eau glacée, incapables de sortir. Ils n’avaient aucune chance. »
Dangers accrus et consommateurs démunis
Les effets du protoxyde d’azote, bien loin de son image festive, sont redoutables au volant : perte de coordination, réflexes émoussés et temps de réaction considérablement allongé. Selon Guillaume Grzych, président du réseau Protoside dédié à la prévention : « On n’est plus maître de soi. » Plusieurs usagers signalent même des épisodes de « blackouts » soudains en pleine conduite.
Un rapport Ipsos commandé par la Fondation Vinci Autoroutes révélait récemment que près d’un jeune sur dix âgé de moins de 35 ans avait déjà consommé ce produit lors d’une soirée ; parmi eux, un sur deux reconnaît avoir pris le volant ensuite. L’inquiétude monte : 10 % des 16-24 ans estiment que s’adonner au protoxyde d’azote au volant ne présente pas de danger.
L’impasse des contrôles et un vide juridique persistant
La législation actuelle encadre en théorie la vente aux mineurs ou dans certains lieux depuis 2021 mais laisse subsister une large zone grise. Sur le terrain, les forces de l’ordre constatent régulièrement la présence du gaz lors de contrôles routiers mais restent souvent impuissantes : aucun test ne permet pour l’heure de prouver une consommation récente.
Comme le souligne Clément Coasne, du syndicat Un1té Police, si ce produit peu onéreux tombe sous le coup d’un arrêté local, seuls 150 euros d’amende peuvent être infligés – et seulement si la consommation est observée en flagrant délit. Par ailleurs, selon la délégation à la sécurité routière, détecter le protoxyde reste « très difficile voire impossible », les bonbonnes pouvant être jetées avant tout contrôle.
Légiférer face à l’urgence ?
Devant cette impasse juridique et scientifique – aucun biomarqueur fiable n’existe encore – chercheurs et associations tirent la sonnette d’alarme. Pour Antoine Régley, avocat des parents de Mathis : deux urgences se dessinent nettement :
- Suspendre temporairement la vente grand public par arrêtés préfectoraux.
- Pénaliser explicitement possession et usage via une nouvelle loi.
Si certains territoires (comme Orléans) multiplient déjà les arrêtés municipaux interdisant possession ou usage sur l’espace public, beaucoup attendent désormais que les discussions entre Assemblée et Sénat débouchent sur un texte législatif spécifique dès janvier prochain – promesse qu’espèrent obtenir les proches des victimes lors d’une prochaine rencontre avec le ministre de l’Intérieur. Le combat contre ce fléau semble pourtant loin d’être gagné tant que persiste ce flou autour du contrôle effectif du « gaz hilarant ».