Les coulisses des négociations entre géants de la distribution et industriels

Image d'illustration. Salle de réunion dynamique avec vue sur la villeADN
Chaque année, les enseignes de la grande distribution et les industriels s’engagent dans des discussions complexes pour fixer les prix et conditions d’approvisionnement. Ce processus essentiel façonne l’offre en magasin et influence directement les tarifs pour les consommateurs.
Tl;dr
- Négociations tendues entre grande distribution et industriels agroalimentaires.
- Nouvelle charte pour apaiser et accélérer les discussions.
- La loi Egalim 3 protège les fournisseurs en cas d’échec.
Un rendez-vous annuel sous haute tension
Depuis le 1er décembre, une mécanique bien huilée s’est enclenchée dans le secteur de la Grande distribution : l’ouverture des négociations commerciales avec les industriels de l’agroalimentaire.
Trois mois. C’est le délai fixé par la loi pour que ces deux mondes, souvent aux intérêts divergents, trouvent un terrain d’entente sur les prix et conditions de vente pour l’année suivante. Ce bras de fer, particulièrement surveillé en France, n’a pas vraiment d’équivalent ailleurs en Europe.
Les acteurs et leurs enjeux
D’un côté du ring, près de 3 000 PME et ETI — à savoir toutes ces entreprises nationales dont le chiffre d’affaires reste inférieur à deux milliards d’euros, mais aussi une vingtaine de grands groupes. De l’autre, quatre mastodontes : Everest/Aura (réunissant Intermarché, Auchan, Casino, soit environ 30 % du marché), suivis par les centrales d’achat Eurelec (E.Leclerc, 24 %), Eureca (Carrefour, 22 %) et la Coopérative U (13 %).
Entre eux, il s’agit de convenir non seulement du prix d’achat, mais aussi des volumes ou encore des aspects logistiques. Pour fluidifier parfois des discussions laborieuses, le recours à un médiateur — un fonctionnaire aguerri aux subtilités du secteur — reste possible.
Négocier, encadrer… et sanctionner si besoin
Ce ballet commence toujours par l’envoi, avant décembre, des conditions générales de vente par chaque industriel. Dès lors s’engage une série d’échanges — plus ou moins musclés — où chacun défend âprement ses marges : les industriels cherchent souvent à revaloriser leurs tarifs tandis que les distributeurs espèrent maintenir ou réduire leurs coûts.
Selon « RMC/BFM TV », la tendance cette année penche vers +2 % côté fabricants face à une volonté des distributeurs de tirer vers -5 %. Les points de friction ne manquent donc pas. Le non-respect des délais est lourdement sanctionné : ainsi en août dernier, la centrale Eurelec d’E.Leclerc a écopé d’une amende record de 38 millions d’euros pour avoir tardé à conclure avec une soixantaine de fournisseurs.
Pour simplifier ce casse-tête français, voici ce qui rythme ces négociations :
- Loi Egalim : cadre strict protégeant les fournisseurs et fixant la procédure.
- Médiation : intervention possible pour débloquer les dossiers sensibles.
- Pénalités : sanctions financières en cas de non-respect des règles.
Nouveaux garde-fous : la charte inédite et la loi Egalim 3
2025 s’ouvre toutefois sous le signe du dialogue renouvelé. Une charte signée par les syndicats industriels – tels que Pact’Alim – invite cette année à privilégier l’apaisement après plusieurs exercices tendus. La charte recommande notamment d’écourter les discussions avec les PME (idéalement finalisées au 15 janvier) et limite à cinq le nombre de « rounds » pour éviter tout enlisement stérile.
Enfin, grâce à la dernière évolution législative — la fameuse Loi Egalim 3 (2023), qui entend rééquilibrer un rapport autrefois très asymétrique — tout fournisseur peut désormais mettre fin à ses relations commerciales sans risque si aucun accord n’est trouvé sous trois mois : une protection jugée essentielle par bon nombre d’acteurs des filières agricoles et alimentaires françaises.
Ainsi se dessine un paysage où chacun avance prudemment ses pions… en espérant que l’huile dans les rouages suffira à éviter tout dérapage majeur cette saison.