France Travail : quand les failles des algorithmes pénalisent les demandeurs d’emploi

Image d'illustration. Simulateur de france travailADN
L’utilisation d’algorithmes au sein de France Travail suscite des inquiétudes, alors que plusieurs dysfonctionnements auraient impacté négativement les personnes en recherche d’emploi. Le dispositif informatique est désormais sous le feu des critiques pour son manque de fiabilité.
Tl;dr
- Automatisation cause erreurs et manque de transparence.
- Conseillers débordés, usagers souvent lésés financièrement.
- Aucune compensation après corrections des dysfonctionnements.
Automatisation massive et méfiance grandissante
À mesure que l’automatisation s’est imposée au sein de France Travail, la gestion des allocations chômage a profondément changé. Désormais, près de 50 % des dossiers sont traités sans intervention humaine, selon plusieurs témoignages internes. Un choix qui, pour beaucoup de conseillers, n’est pas sans conséquences : « France Travail est une usine à gaz et une machine à faire des économies sur le dos des chômeurs », déplore ainsi Sandra*, conseillère indemnisation. Depuis la réforme de 2016-2017 ayant entraîné la suppression d’un tiers des postes de conseillers, les effectifs restants se retrouvent submergés, souvent contraints de s’en remettre à des algorithmes imparfaits.
Dysfonctionnements récurrents et silence institutionnel
L’expérience de Yann Gaudin, ex-conseiller licencié après avoir dénoncé un bug affectant les intermittents du spectacle, illustre bien ce malaise. Pendant des années, ces usagers précaires n’étaient pas automatiquement informés de leur droit à l’Allocation de Solidarité Spécifique. Son alerte resta lettre morte, et il fut sanctionné pour avoir prévenu les 8 000 concernés en Bretagne. Ce dysfonctionnement, finalement corrigé dix ans plus tard, n’a jamais donné lieu à la moindre compensation collective pour les personnes lésées.
Parmi les problèmes signalés par plusieurs salariés et usagers, certains reviennent avec insistance :
- Exclusion automatique des plus hauts salaires lors du calcul d’indemnisation.
- Omissions fréquentes pour les bénéficiaires du RSA ou lors d’arrêts maladie, rendant le montant versé incohérent.
- L’absence quasi totale d’informations sur le mode de calcul ou les corrections apportées.
Un flou entretenu et peu d’explications
Pour Catherine C., ex-employée municipale, la découverte d’une indemnisation réduite à 700 euros mensuels alors que son salaire net s’élevait à 2 300 euros fut un véritable choc. Grâce au soutien de l’association Bonne Etoile, fondée par Yann Gaudin, elle a pu faire valoir ses droits et obtenir gain de cause… mais toujours sans comprendre précisément comment était calculé son nouveau montant. Ce manque de transparence est unanimement dénoncé tant par les usagers que par certains agents : « Aujourd’hui, je ne sais plus expliquer à un allocataire comment son indemnité est déterminée », confie Sandra*, forte de quinze ans d’ancienneté.
L’avenir incertain des indemnisations automatisées
Du côté institutionnel, France Travail met en avant ses contrôles réguliers et un taux de satisfaction supérieur à 79 %. Pourtant, la multiplication des bugs signalés – parfois même après leur supposée correction – laisse planer le doute. L’absence systématique de compensations financières pour les victimes alimente une défiance croissante parmi les demandeurs d’emploi. Certains syndicats redoutent que la montée en puissance de l’intelligence artificielle accentue encore ces dérives : « L’IA va faire des ravages à l’avenir », alerte Alexis Bordes (CGT Chômeurs).