Faut-il imposer une ouverture quotidienne aux boulangeries ? Une question qui agite le secteur

Image d'illustration. Baguettes fraîchement cuitesADN
L’ouverture quotidienne des boulangeries soulève un débat parmi les professionnels : entre exigence de service continu, respect du droit au repos et concurrence, la profession cherche un équilibre difficile à trouver face aux attentes des clients.
Tl;dr
- Les chaînes contestent la fermeture obligatoire un jour par semaine.
- La mesure divise artisans et franchises boulangères.
- 54 départements déjà sans fermeture hebdomadaire imposée.
Un secteur en ébullition autour de la fermeture hebdomadaire
Dans le monde de la boulangerie, le débat sur la fermeture obligatoire un jour par semaine s’envenime. La Fédération des entreprises de boulangerie (Feb) – qui regroupe de grands noms comme Paul, La Mie Caline ou encore Ange – multiplie les recours judiciaires pour lever cette contrainte, jugée « absurde » par son directeur général, Paul Boivin.
L’un des derniers épisodes s’est joué à Poitiers, où le tribunal administratif a maintenu l’arrêté préfectoral interdisant l’ouverture sept jours sur sept dans trois départements.
Lignes de fracture entre franchises et artisans boulangers
La contestation menée par les chaînes ne fait pourtant pas l’unanimité au sein de la profession. De nombreux artisans y voient une menace directe pour leur activité. Ainsi, Emmanuel Gripon, lui-même boulanger, redoute que la fin de cette règle n’aggrave la concurrence au détriment des commerces indépendants, en particulier dans les centres-villes déjà fragilisés. Selon lui, « la disparition de la réglementation va pénaliser les commerces de proximité », tandis que les grandes franchises s’implantent surtout en périphérie.
Du côté des salariés, l’inquiétude est palpable. Leïla, vendeuse dans une boulangerie parisienne concernée par ces évolutions, témoigne du défi logistique que représenterait l’ouverture continue : « Passer à sept jours sur sept cela représente un défi logistique pour nous ». Elle souligne aussi le sentiment d’injustice face aux établissements du quartier qui ne respectent plus le tour de fermeture.
Paysage réglementaire en pleine mutation
Après avoir été provisoirement suspendue pendant la crise sanitaire, l’obligation légale demeure aujourd’hui en vigueur dans une partie du territoire seulement : selon la Feb, elle n’existe plus dans 54 départements métropolitains couvrant 61 % de la population française. Toutefois, malgré ces assouplissements, Paul Boivin réfute tout risque systémique : « Avec le recul, nous n’avons pas remarqué de fermetures massives d’artisans boulangers dans les départements concernés », martèle-t-il.
Dérives et tensions sur le terrain
Concrètement, certains établissements prennent des libertés avec la réglementation. Plusieurs chaînes affichent ouvertement des horaires sans jour de repos obligatoire, y compris hors quartiers touristiques. Les contrôles sont souvent déclenchés par d’autres boulangers eux-mêmes : si un établissement ouvre indûment toute la semaine et refuse d’arrêter après dialogue, il peut se retrouver poursuivi devant les tribunaux – une procédure longue et lourde pour tous les acteurs concernés.
Face à ces dissensions internes et à l’évolution rapide du cadre légal localement, le quotidien des professionnels oscille entre incertitudes économiques et arbitrages complexes autour du respect des règles traditionnelles qui ont longtemps façonné ce métier emblématique.