Un dérivé de sucre français utilisé par Daech pour propulser ses roquettes
Des tonnes de sorbitol produit en Picardie ont été détournées de leur usage par Daech en Irak.
Surprenante enquête que celle publiée dans le Journal du Dimanche. Du sorbitol produit en Picardie a été utilisé par Daech en Irak. Dans quel but ? Lorsque ce dérive du sucre est mélangé à du nitrate de potassium, il peut propulser des roquettes, ou des missiles de moyenne portée.
De la Picardie à l’Irak
C’est en 2016 que les premiers sacs du produit sont retrouvés non loin de Mossoul, quand la ville était encore aux mains du groupe État islamique. Et les derniers l’ont été au mois de septembre dernier à proximité de la frontière syrienne. Au total, ce sont 78 tonnes de sorbitol qui ont été répertoriées par l’agence Conflict Armament Research (CAR), missionnée par l’Union européenne pour référencer les armes du groupe terroriste afin d’en prévenir la circulation.
Sur les sacs saisis, figure le logo du groupe agroalimentaire Tereos, troisième acteur mondial dans le secteur du sucre, et dont le siège se trouve à Lille.
Un circuit détourné
Le sorbitol ne s’est donc pas retrouvé dans la composition du chewing-gum ou de dentifrice. Au JDD, le directeur de la communication de Tereos, Gérard Benedetti, explique : “Les sacs saisis en Irak ont bien été produits dans une de nos usines, vendus à un de nos clients historiques en Turquie, et ont ensuite été détournés pour finir dans un entrepôt du groupe Etat islamique. Nous souhaitons que toute la lumière soit faite sur la manière dont cela a pu se produire. Nous n’aurions pas pu imaginer qu’un produit aussi courant (…) aurait pu finir dans cette région pour être utilisé par Daech. Cette histoire a bouleversé toute notre entreprise”.
C’est à mai 2015 que remonte le début du voyage de ces sacs. D’Anvers, ils partent par cargo pour débarquer à Gebze, en Turquie, puis réceptionnés par le groupe turc Sinerji. Un négociant achète le dérive de sucre et l’expédie alors à Gaziantep, ville turque proche de la Syrie. Le JDD a contacté l’Armée syrienne libre, laquelle accuse ce négociant de contrebande pour le compte de Daech. Il est en effet plus simple de détourner du sucre que des armes, des explosifs, quand le produit en question n’est pas sous embargo.