Alassane Dramane Ouattara à la tête de la CEDEAO : la tâche sera rude
Le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara est, depuis vendredi 17 février, le nouveau président de la Commission économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Élu à l’unanimité des 15 membres de l’organisation intergouvernementale, il a immédiatement déclaré que les questions de sécurité et de renforcement de la démocratie de la sous-région seraient les deux priorités de son mandat.
Ouattara signe la rupture avec l’ère Gbagbo
Parvenir à redorer l’image de la Côte d’Ivoire auprès de la communauté internationale et des investisseurs étrangers : tel est sans doute l’espoir que nourrit en secret Alassane Dramane Ouattara. En succédant au Nigérian Goodluck Jonathan à la tête de la CEDEAO pour un mandat d’un an renouvelable, le président ivoirien souhaite incarner la rupture d’avec l’ère Gbagbo : ce dernier, réputé isolationniste, avait en effet fini par s’attirer certaines inimitiés de la part des pays voisins. Réputé plus policé et diplomate, ADO a quant à lui pu bénéficier du soutient indéfectible de l’organisation intergouvernementale face au président sortant lors de la crise ivoirienne de 2010-2011.
Une future présidence teintée de rancœurs et d’incertitudes
Mais les qualités diplomatiques qu’on lui prête sauront-elles lui suffire pour parvenir à stabiliser une zone géographique sous tension ? Saura-t-il convaincre les Touaregs du Sahel de déposer les armes, et Amadou Toumani Touré de relancer des négociations avec eux à deux mois de la présidentielle malienne ? Parviendra-t-il à prendre des mesures pour protéger la zone de la puissance grandissante de l’Aqmi, et la communauté chrétienne du Niger de la secte Boko Haram ? Trouvera-t-il les mots pour raisonner Wade et Compaoré, ses deux plus grands soutiens, respectivement présidents du Sénégal et du Burkina Faso qui ne semblent pas enclins à abandonner le pouvoir ? La tâche parait rude. D’autant plus rude qu’il faudra que le président ivoirien, s’il veut disposer d’une crédibilité nécessaire à sa nouvelle fonction au sein de la CEDEAO, applique au préalable ses résolutions à son propre pays.
Car, malgré la volonté affichée de son président d’œuvrer à la réconciliation nationale, la Côté d’Ivoire est en effet loin d’être tirée d’affaire. Les suspicions grandissantes qui entourent la détention de Gbagbo à la Haye depuis le mois de novembre, le triste sort réservé aux cadres de l’ancienne majorité présidentielle condamnés à la survie, les exactions commises par les FRCI, aggravent au contraire la rancœur que nourrissent les partisans de l’ancien chef d’Etat. Idem pour la non installation à l’heure actuelle d’une gouvernance digne d’un pays démocratique : sans Assemblée nationale constituée, le président recourt pour l’instant aux seules ordonnances pour gouverner.
Face à cette situation, certains n’hésitent pas à faire état du paradoxe. Depuis vendredi, plusieurs voix s’élèvent à nouveau pour dénoncer la teinte néocolonialiste que prend l’ascension d’ADO en Afrique de l’Ouest. Pour n’en citer qu’une, celle de l’ex-délégué Afrique du Parti socialiste français Guy Labertit, fustige, dans une récente tribune, l’inébranlable soutien de la France au président ivoirien, qui dissimulerait selon lui des « liens tutélaires qui ne sont pas sans rappeler les années soixante ».
La CEDEAO, créée en 1975 dans le but de promouvoir la coopération et l’intégration, et à termes, la création d’une union économique et monétaire ouest africaine, a vu, dans les années 90, son pouvoir s’étendre à la garantie de la stabilité régionale. Le maintien de la paix, condition essentielle à l’accomplissement d’une véritable union, fait depuis lors partie de ses principales prérogatives. Certains moquent depuis plusieurs années la mollesse et l’inefficacité de l’organisation. Au vu du contexte éminemment explosif de la région, Ouattara va incontestablement devoir ménager la chèvre et le choux s’il veut parvenir à faire mentir ses détracteurs.