Maître Restaurateur, l’autre gage d’une cuisine authentique (Interview)
Le label fait maison n'est pas seul dans la vie gastronomique. Le Président de l'AFMR nous parle de son label qualité, Maître Restaurateur.
Le 15 juillet dernier, le décret relatif à la mention “fait maison” dans certains restaurants, entrait en vigueur. Pour rappel un logo représentant une casserole surmontée d’un couvercle en forme de toit, pourra être apposé par les restaurants qui garantissent une cuisine élaborée à base de “produits bruts ou de produits traditionnels de cuisine”.
Mais ce nouvel outil, utilisé pour garantir un certain degré d’authenticité gastronomique et tenter de limiter la cuisine dite d’assemblage, n’est pas la seul dans le paysage de la restauration française.
“Restaurant de qualité”, “Restaurateurs de France”, “Qualité Tourisme”… les labels ont fleuri ces dernières années, dans le but de rassurer les consommateurs.
Parmi ceux-ci, c’est sur le titre de “Maitre Restaurateur” que nous nous attardons aujourd’hui. Décerné par l’Etat depuis 2007, ce titre garantit une cuisine de qualité. Il récompense le professionnalisme conjugué d’un chef et de son établissement, et reste le seul titre officiel de la restauration traditionnelle indépendante.
Nous avons souhaité profiter de l’instauration de cette nouvelle mention “fait maison” pour interroger le Président de l’Association Française des Maîtres Restaurateurs (AFMR). Passionnément attaché à la défense d’un métier qu’il a chevillé au corps, Francis Attrazic s’est gentiment prêté au jeu de nos questions. Nous l’en remercions.
Questions à Francis Attrazic, Président de l’Association Française des Maîtres Restaurateurs
24matins.fr : La mention « fait maison » vient d’entrer en vigueur. Quel regard portez-vous sur son instauration ?
Francis Attrazic : La loi Hamon concrétise ce qu’est le fait maison, et c’est une bonne nouvelle parce qu’elle permet de clarifier cette notion qui était utilisée par certains restaurateurs comme un argument marketing mais derrière laquelle il n’y avait pas de signification très précise. Le fait qu’elle soit aujourd’hui rentrée dans la loi va permettre de structurer les choses, exclure toutes les exagérations et les mauvaises informations qui étaient liées à ce fait maison, car les abus entreront dans le cadre du délit.
Cette notion pour les Maitres restaurateurs est très importante puisque dans le cadre de la chartre de l’Association Française des Maîtres Restaurateurs, c’est l’ensemble de notre cuisine qui est faite maison avec essentiellement des produits frais.
Quelles sont les principales différences entre la mention « fait maison » et le titre de « Maître Restaurateur »? Les deux sont-ils complémentaires ou concurrents ?
Le fait maison et le titre maître restaurateur sont deux notions qui sont très complémentaires car aujourd’hui les professionnels qui peuvent prétendre au titre de maître restaurateur peuvent s’appuyer sur toute la communication qui est faite sur le fait maison. Le titre de Maître Restaurateur va au delà de la mention « fait maison » en reposant sur trois piliers essentiels :
Le fait d’avoir à faire à de véritables professionnels car nos métiers sont largement ouverts et donc n’importe qui peut ouvrir un restaurant. D’où la nécessité d’avoir un système qui valorise le professionnel confirmé : que ce soit au niveau de la formation initiale ou que ce soit au niveau d’une expérience avérée.
Le deuxième pilier est cette notion de fait maison, le maître restaurateur valorise son savoir-faire et sa volonté de travailler des produits bruts et essentiellement frais.
Enfin, ce titre de maître restaurateur est le seul titre officiel pour la restauration, c’est un titre qui est délivré par l’Etat et par les préfets de chaque département.
Un établissement estampillé « Maître Restaurateur » est-il synonyme de tarifs à la carte plus élevés ?
Nous ne retrouvons pas forcément de différence de prix sur la carte des Maîtres Restaurateurs, parce que la capacité d’un professionnel, c’est de savoir adapter ses fabrications pour faire en sorte qu’elle reste dans le cadre normal des coûts et des marges, que chacun doit respecter au niveau de son établissement.
Le Maître Restaurateur, de par ce qu’il sait faire et acheter, peut travailler un ensemble de produits qui ne sont pas forcément des produits très chers, et qui à la sortie donnent des résultats et recettes intéressantes pour le client.
Cette notion de prix n’est donc pas forcément liée aux Maîtres Restaurateurs.
Quels sont les engagements et valeurs d’un « Maître Restaurateur » ?
Les engagements et les valeurs d’un Maître Restaurateur sont tout d’abord de faire une cuisine entièrement faite maison pour l’ensemble de la carte, avec des produits bruts, essentiellement frais et s’approvisionnent la plupart chez des producteurs au plus proche d’eux. C’est la notion de circuit court. C’est probablement une notion qui va être reprise dans le prochain décret et cela va encore mettre l’accent sur notre volonté d’utiliser les fournisseurs et producteurs locaux.
Il s’agit aussi d’avoir une attention particulière à ses clients au niveau des installations et du confort. Par exemple, pour l’accueil des enfants.
Il est nécessaire également d’avoir la volonté d’assumer des contrôles réguliers, car le titre des Maîtres Restaurateurs n’est pas donné pour toujours et il est remis en cause tous les 4 ans : il faut repasser les audits pour pouvoir y prétendre de nouveau, et donc maintenir son exigence de qualité.
C’est aussi et bien évidemment de respecter l’ensemble de la réglementation en générale, ce que tous les professionnels de la restauration se doivent de faire.
Tous ces éléments font que le titre Maître Restaurateur est vraiment un titre structurant, contrôlé et validé par l’Etat.
Pour terminer, que pensez-vous de l’offre française en matière de gastronomie, à l’heure actuelle ?
Concernant l’offre française en matière de gastronomie, il est évident qu’elle est très pléthorique, ce n’est pas une critique parce qu’il faut une variété d’offres, pour que les clients puissent avoir diverses possibilités pour se restaurer. Simplement, il faut qu’ils soient informés de ce qu’on leur propose de consommer et qu’ils aient des repères clairs et précis leur permettant de faire leur choix avant d’entrer dans l’établissement.
Le titre est une opération volontaire où le restaurateur se prend en main et affirme ainsi de manière individuelle sa rigueur du métier. Cela permet d’avoir par rapport à ce titre une sécurité officielle loin d’être négligeable.
La restauration française vit une période assez difficile car faire de la restauration traditionnelle suppose beaucoup plus de contraintes que si vous vous contentez d’acheter tout fait, de réchauffer et de revendre le tout.
C’est vrai que la préparation des produits, l’embauche de personnel, la partie qualité, hygiène, tous ces éléments sont des contraintes.
Pour arriver à pérenniser ce titre, il faut trouver un certain nombres d’éléments sur lesquels l’Etat pourrait intervenir et faire en sorte que les Maîtres Restaurateurs puissent bénéficier de dispositions particulières. C’est un des messages que nous souhaitons faire passer à Carole Delga (Secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire, NDLR) pour que l’on réfléchisse très sérieusement à comment nous voudrions mettre en valeur ce titre de Maître Restaurateur par le biais d’incitations spécifiques. Car la restauration traditionnelle fait l’image de la France, et nous devons, à une époque où la mondialisation est en marche et se précise, la préserver.
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