Turquie : Erdogan dégaine le procès pour “insulte” pour contrer ses opposants
Depuis son accession à la tête de la Turquie, le président Erdogan enchaîne les procédures pour "insulte".
Une autorité de plus en plus affirmée par le président turc Recep Tayyip Erdogan ? C’est en tout cas ce qu’affirment ses opposants. Depuis son élection en août 2014, le chef d’Etat multiplie les procès pour “insulte”.
Erdogan : le procès pour “insulte” comme moyen de pression
Ce déferlement de poursuites touche bon nombre de strates de la société turque, du citoyen lambda au journaliste. Vendredi à Konya, dans le centre du pays, se tient l’un de ces procès. Il concerne un lycéen de 16 ans qui est accusé d’avoir dépeint le président comme “chef des voleurs”. En 2014, Recep Tayyip Erdogan était empêtré dans un grand scandale politique et financier.
Le jeune militant de gauche, qui a été arrêté dans son établissement scolaire au beau milieu d’un cours, encourt jusqu’à 4 ans de prison. Devant le tollé que cette arrestation a suscité, il avait été remis en liberté avant la tenue de son procès vendredi.
Un tweet critiquant le président peut conduire devant un tribunal
Emma Sinclair-Webb, qui travaille au sein de l’ONGspécialisée dans le respect des Droits de l’homme Human Rights Watch, rappelle que “la Turquie a un lourd passif en matière de poursuites pour diffamation”. Cependant, poursuit-elle, “incarcérer des personnes pour ‘insulte’ constitue une nouvelle tendance inquiétante, inédite ces dix dernières années”.
Désormais, même un tweet désobligeant envers le président Erdogan peut voir son auteur traduit devant une Cour. Aykan Akdemir, représentant du principal parti d’opposition, le CHP, a récemment déclaré que “cette culture politique autoritaire qui ne tolère pas la critique constitue une sérieuse entrave aux libertés”. Thomas Melia, l’un des responsables du département d’Etat américain chargé des droits de l’Homme ne dit pas autre chose : “L’idée que quelqu’un, rédacteur en chef, lycéen de 16 ans ou chauffeur de taxi, risque des poursuites et même la prison pour avoir exprimé son opinion dans une réunion publique ou sur un réseau social est problématique”.
Récemment cependant, le président lui-même s’est vu infliger une amende de 3.500 euros pour avoir qualifié l’oeuvre d’un artiste de “monstruosité”. L’avocat d’Erdogan plaidait la “critique”, le juge a penché pour l'”insulte”.