Selon une étude, certains médicaments modifient durablement la flore intestinale

Image d'illustration. Étagères de laboratoire avec médicamentsADN
Une nouvelle étude révèle que certains médicaments courants peuvent modifier la composition du microbiote intestinal sur une période de plusieurs années, mettant en lumière des effets prolongés et méconnus de traitements fréquemment prescrits.
Tl;dr
- La plupart des médicaments affectent durablement le microbiome intestinal.
- Effets parfois comparables à ceux des antibiotiques sur la diversité microbienne.
- L’historique médicamenteux doit être pris en compte en recherche clinique.
Des médicaments aux effets sous-estimés sur notre microbiome
Si l’on savait que les antibiotiques bouleversent notre flore intestinale, une étude d’envergure vient de révéler que nombre d’autres traitements courants perturbent aussi, et pour longtemps, cet écosystème interne. Menée par une équipe dirigée par le génomicien Oliver Aasmets de l’Université de Tartu, cette recherche s’appuie sur les dossiers médicaux de plus de 2 500 volontaires issus du projet Estonian Biobank. Un corpus conséquent qui permet d’établir un constat sans appel : près de 90 % des 186 médicaments analysés induisent des modifications sensibles du microbiome intestinal.
Une diversité bactérienne menacée
Ces « communautés microbiennes », véritables alliées digestives et immunitaires, sont bien plus fragiles qu’il n’y paraît. L’étude souligne notamment que les effets ne se limitent pas à la prise d’antibiotiques : anxiolytiques comme les benzodiazépines, antidépresseurs, inhibiteurs de pompe à protons ou encore bêtabloquants peuvent tous altérer l’équilibre bactérien – et ce, même plusieurs années après la dernière utilisation. À titre d’exemple, certains anxiolytiques tels qu’alprazolam (commercialisé sous le nom Xanax) réduisent la diversité microbienne autant que les antibiotiques à large spectre. Fait troublant, d’autres molécules du même groupe – comme le diazépam (Valium) – semblent avoir un impact moindre.
L’effet cumulatif des traitements
Les chercheurs vont plus loin : selon eux, l’accumulation et la répétition des traitements accentuent les perturbations observées. Voici ce qu’ils relèvent :
- L’effet s’amplifie avec le nombre et la durée des prises.
- Certaines molécules présentent un « effet cumulatif » particulièrement marqué.
- L’impact s’observe jusque dans les années suivant l’arrêt du médicament.
De précédentes expériences sur les souris avaient déjà montré que l’usage prolongé d’antibiotiques endommage la muqueuse intestinale et favorise parfois une prise de poids. Les nouvelles données collectées chez l’humain renforcent ces soupçons quant aux conséquences à long terme pour différentes familles pharmaceutiques.
Vers une meilleure prise en compte en pratique clinique
Face à ces résultats, Aasmets insiste : « La plupart des études sur le microbiome ne tiennent compte que des traitements actuels, alors que notre analyse prouve que l’historique médicamenteux est tout aussi déterminant pour expliquer les différences interindividuelles. » En filigrane, un appel : inclure systématiquement le passé thérapeutique lors de toute interprétation de données liées au microbiome. Si ce domaine fascine tant chercheurs que cliniciens, il semble urgent d’ajuster nos outils et nos réflexions pour mieux anticiper les effets insoupçonnés de nos prescriptions sur cette part invisible – mais essentielle – de notre santé.