Réédition de “Mein Kampf” : “ce texte n’a plus aucun écho en Allemagne”
Le premier tirage de la réédition de "Mein Kampf" a rapidement été épuisé en Allemagne. Le traducteur de la future édition française tend aujourd'hui à considérer cette ressortie critique comme le seul moyen d'affaiblir l'ouvrage.
Il est attendu qu’en ce mois de janvier 2016 paraisse en France, et chez l’éditeur Fayard, une réédition scientifique de “Mein Kampf”, soit le brûlot d’Adolf Hitler rédigé lorsque ce dernier était retenu captif à Landsberg, de 1924 et 1925. L’ouvrage renferme également les bases de l’idéologie politique nazie qu’Adolf Hitler mettra en avant quelques années plus tard dans son accession au pouvoir.
Avant de se découvrir dans l’Hexagone, cette réédition est d’ores et déjà disponible en Allemagne. Ou plutôt, elle l’était jusqu’à ce que son premier tirage s’épuise assez rapidement. Nos confrères du Figaro ont demandé à Olivier Mannoni, traducteur de la future version française, de commenter ce nouveau succès de librairie.
“Mein Kampf” : une réédition déjà épuisée en Allemagne
M. Mannoni précise d’ailleurs que ce n’est pas le texte brut qui est vendu : “Vu le mode d’édition et de diffusion choisi par l’Institut d’Histoire Contemporaine de Munich, il est assez vraisemblable que les chercheurs, les historiens et les bibliothèques aient été les premiers acheteurs de cette nouvelle édition. Ce que l’on vend, ce n’est pas Mein Kampf, mais une édition critique, établie par des chercheurs de très haut niveau dont les notes et commentaires représentent un volume au moins équivalent au texte. Cela prouve à quel point le débat scientifique sur ce texte était en souffrance. Même si tous les chercheurs en parlent dans tous leurs ouvrages sur le nazisme depuis des décennies, il n’existe aujourd’hui aucune édition de référence et encore moins d’analyse systématique de ce texte.”
Republication critique du brûlot d’Hitler : “l’unique moyen de lui faire perdre sa force monstrueuse”
Le traducteur considère qu’en Allemagne, la ressortie du livre ne risque pas de faire des dégâts majeurs : “Hormis dans certains groupuscules, ce texte n’a plus aucun écho en Allemagne. Il en a bien plus dans d’autres pays où il circule aujourd’hui librement ou sous le manteau. Où le nazisme est considéré comme une idéologie comme les autres. Le travail qui a été accompli en Allemagne, notamment depuis les années 1960, pour décortiquer, ‘élaborer’, comme on dit en allemand, a été gigantesque, et l’on peut penser que nous aurions moins de difficultés politiques aujourd’hui en France, si nous avions accompli le même travail sur le passé colonial, par exemple, ou sur la guerre d’Algérie.” Olivier Mannoni se veut de même sensible à la réaction de la communauté juive face à cette republication, tout en indiquant le caractère positif de cette dernière : “Les historiens allemands qui ont travaillé sur le projet, et tous ceux qui soutiennent aujourd’hui l’idée d’une réédition critique, estiment que c’est l’unique moyen de lui faire perdre sa force monstrueuse. Comme le disait le chercheur Christian Ingrao, il faut ‘refroidir’ Mein Kampf pour qu’il cesse de faire peur.”