PMI : quand le PDG du leader mondial du tabac milite contre la cigarette
Jacek Olczak, le PDG de Philip Morris International (PMI), leader mondial de l’industrie du tabac, a livré un témoignage paradoxal de son engagement contre la cigarette, en privé comme dans la direction de son entreprise. PMI vise à arrêter à moyen-terme la commercialisation de la cigarette pour réorienter son activité à destination des alternatives à la cigarette. Décryptage d’une position où enjeux de santé et financiers se mêlent de manière inextricable.
De nombreux activistes anti-tabac ont dû s’étrangler en lisant le long portrait de Jacek Olczak réalisé au début du mois par le Financial Times. Le PDG de PMI y livre avec emphase les détails de son combat contre la cigarette. De son parcours personnel pour décrocher de la cigarette, aux injonctions faites au petit ami de sa fille, Jacek Olczak se présente comme un farouche avocat des alternatives à la cigarette. Hypocrite de la part du fabricant de Marlboro ?
Un peu ? Beaucoup, même. Mais Jacek Olczak balaie les accusations d’opportunisme qui s’abattent sur son entreprise depuis que Philip Morris a annoncé en 2016 son intention de basculer progressivement son modèle économique de la commercialisation de cigarettes vers celle d’alternatives à la cigarette (et en particulier son dispositif de tabac à chauffer IQOS). Selon lui, c’est surtout par pragmatisme et par sens des affaires que PMI veut lâcher la cigarette.
La stratégie « Unsmoke the world » (un monde sans fumée) de PMI, qui vise à progressivement éradiquer la cigarette, est avant tout une stratégie industrielle réfléchie selon M. Olczak. Le succès des alternatives à la cigarette « peut être énorme parce que nous avons une base de consommateurs qui, malheureusement, ne peuvent pas résoudre leur problème (de tabagisme) seuls », explique-t-il dans les colonnes du Financial Times.
Le dirigeant d’entreprise polonais ne cherche manifestement pas à forcer le trait sur les motivations éthiques de PMI dans cette conversion, que de nombreux observateurs taxent de cynisme. Selon lui, la stratégie sans fumée de PMI est avant tout efficace et durable. « On peut aider aux niveaux individuels et de la société, et c’est bon pour les affaires. (Les alternatives à la cigarette) sont beaucoup plus durables », ajoute-il.
Quelles que soient les motivations profondes des équipes de Jacek Olczak, la mutation de PMI est d’ores et déjà une réalité. Les alternatives à la cigarette, et notamment le dispositif de tabac à chauffer IQOS, représentent 36% du chiffre d’affaires de PMI en 2022, en croissance exponentielle depuis plusieurs années. L’objectif de l’industriel est d’atteindre la barre des 50% d’ici 2025, et de parvenir à arrêter d’ici 10 ans la commercialisation de cigarettes dans les pays développés (notamment Japon et Grande-Bretagne).
« Il y a des personnes, encore aujourd’hui, qui disent « Qui peut avoir confiance en Philip Morris… parce que mon ennemi d’hier continuera à être mon ennemi demain », mais parfois le changement vient du secteur lui-même. Est-ce que vous n’utiliserez pas d’énergie renouvelable parce qu’elles sont produites par BP », questionne Jacek Olczak face à la levée de boucliers causée par la nouvelle stratégie de PMI.
Le PDG reconnait que son groupe a longtemps « été en déni » de sa responsabilité face aux preuves scientifiques de la dangerosité de la cigarette. « Mais dès que vous reconnaissez qu’il y a un problème, vous commencez à libérer toutes les énergies pour trouver des solutions ». C’est, selon lui, ce qu’a entrepris PMI ces dernières années en investissant massivement dans les alternatives à la cigarette, mais également dans le secteur médical et pharmaceutique.