Pang Pha, l’éléphante d’Asie qui a sa propre technique pour éplucher une banane

Pang PhaKaufmann et al., 2023/Current Biology
Pang Pha est une éléphante d'Asie qui a une technique très singulière pour éplucher ses bananes. C'est un cas d'étude très intéressant pour les chercheurs.
La trompe de l’éléphant est une merveille de biologie, avec pas moins de 60 000 muscles permettant à l’animal non seulement de respirer, de manger et de boire, mais aussi de communiquer et d’interagir avec des objets, entre autre. Certains éléphants sont connus pour s’en servir comme outil rudimentaire, pour se gratter, repousser des insectes ou même bloquer une route. Une éléphante d’Asie du nom de Pang Pha, au Zoo de Berlin, a appris à éplucher une banane, selon une nouvelle étude publiée dans le journal Current Biology. Et c’est très inhabituel pour un pachyderme. D’autant que les autres éléphants d’Asie du zoo ne savent pas le faire.
Pang Pha, une éléphante d’Asie qui a une technique très singulière pour éplucher ses bananes
“Nous avons découvert un comportement tout à fait unique”, écrit le coauteur Michael Brecht, du Bernstein Center for Computational Neuroscience de la Humboldt-Universität zu Berlin. “Ce qui rend la technique d’épluchage de banane de Pan Pha si unique, c’est la combinaison de facteurs – adresse, vitesse, individualité et origine supposément humaine – plus qu’un simple élément comportemental.”
Les chercheurs avaient entendu parler de la capacité de Pang Pha après que ses soigneurs ont réalisé plusieurs expérimentations, présentant à l’éléphante 10 bananes à chaque fois et filmant sa réaction. Les premiers tests ont été réalisés avec Pang Pha seule. Si elle levait la trompe, pour demander, lorsque les bananes arrivaient, pendant les premières semaines, elle n’en a épluché aucune. L’élément déclencheur de l’opération s’avère être la maturité du fruit. Elle préférait dévorer les bananes vertes ou jaunes entières. Les bananes marron, elles, sont purement et simplement ignorées par l’éléphante.
Les bananes jaune marron, par contre, ont été isolées et épluchées, et ce, plus rapidement que peuvent le faire les humains. Elle attrape la banane avec le bout de sa trompe et la casse contre le bout opposé. Ensuite, elle la secoue jusqu’à ce que toute la pulpe tombe, attrape cette dernière et la mange, délaissant soigneusement la peau. Et ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de fruit à manger. Pang Pha s’en assure en vérifiant plusieurs fois avec sa trompe.
Un cas d’étude très intéressant pour les chercheurs
Durant la deuxième vague d’expérimentations, les chercheurs ont filmé le comportement de Pang Pha avec d’autres éléphants – sa sœur Anchali et une autre femelle d’Asie baptisée Drumbo -. Dans cette configuration, elle a avalé la majorité des bananes jaune marron sans les éplucher, mais elle s’est gardée la dernière pour plus tard et l’a épluchée. Aucune autre éléphante n’a épluché ses bananes.
S’il y a des vidéos ici ou là montrant des éléphants éplucher leurs bananes, les auteurs n’ont observé ce comportement sur aucun autre éléphant d’Asie du Zoo de Berlin, ni chez les éléphants d’Afrique du Zoo de Vienne. Où Pang Pha a-t-elle alors appris à le faire ? L’éléphante est arrivée au zoo en 1987 alors bébé et ses soigneurs la nourrissaient en partie au biberon. Mais son soigneur principal lui épluchait des bananes devant elle pour lui donner la pulpe. Pang Pha l’aurait bien observé et appris à faire de même, mais elle n’a pas enseigné cette technique à sa fille, Anchali, peut-être parce qu’elle préfère le faire quand elle est seule.
Ceci suggère que les éléphants, en général, ont des capacités cognitives et des aptitudes de manipulation inattendues. “Des comportements de manipulation complexes possiblement induits par l’homme comme celui-ci étaient insoupçonnés chez les éléphants ou, à notre connaissance, la plupart des autres espèces”, concluent les auteurs. “Notre cas d’étude sur l’épluchage de bananes par Pang Pha nous offre de nouvelles perspectives sur la manipulation et la cognition des éléphants que l’on ne trouve pas dans d’autres voies conventionnelles d’investigation.”