Les lingettes jetées aux toilettes, responsables de 70 % des opérations de débouchage des égouts

Image d'illustration. Gros plan de toilette moderneADN
Les lingettes jetées dans les toilettes représentent une menace majeure pour les réseaux d’assainissement, étant impliquées dans jusqu’à 70 % des opérations de débouchage. Leur accumulation provoque régulièrement des blocages coûteux et complexes à traiter.
Tl;dr
- Les lingettes bouchent les réseaux d’eau et polluent.
- Elles coûtent jusqu’à 2 milliards d’euros par an en Europe.
- Leur biodégradabilité reste un mythe dangereux pour l’environnement.
Une crise silencieuse dans les stations d’épuration
À quelques kilomètres au sud-est de Paris, dans l’immense usine de traitement de Valenton, un problème insoupçonné prend chaque jour plus d’ampleur. Sous la supervision d’Olivier Browne, directeur du site pour le syndicat d’assainissement Siaap, des montagnes de résidus plastiques s’accumulent inlassablement : il s’agit, principalement, de ces lingettes jetées dans les toilettes.
Malgré les avertissements et les efforts déployés, ce geste anodin empoisonne le fonctionnement des infrastructures et menace gravement l’environnement.
Le fléau invisible du quotidien
Ces lingettes, souvent composées de fibres plastiques — même si certains fabricants optent désormais pour le coton — représentent aujourd’hui près de 80 % des déchets interceptés dès l’entrée des eaux usées à l’usine. Un chiffre qui interpelle. Les équipes doivent fréquemment intervenir pour retirer des blocs compacts pouvant peser jusqu’à 150 kg et mesurer plus de deux mètres, avant qu’ils n’obstruent complètement les installations.
Le phénomène ne se limite pas à la France. En 2018, une monstruosité de 130 tonnes mêlant graisse alimentaire et lingettes a ainsi bloqué le réseau londonien. Pour Stanislas Pouradier-Duteil, directeur technique chez Veolia Eau France, il ne fait aucun doute : « Incontestablement, c’est le fléau numéro un des réseaux d’eau. »
Lourde addition financière et écologique
L’impact financier est colossal. L’organisation européenne EurEau chiffrait déjà en 2014 le coût annuel lié à ce mauvais usage entre 500 millions et 1 milliard d’euros sur tout le continent. Dix ans plus tard, la facture aurait doublé, oscillant désormais entre un et deux milliards d’euros par an. La crise sanitaire liée au Covid-19 a exacerbé le recours à ces produits désinfectants, accentuant encore la pression sur les réseaux.
Selon les spécialistes du secteur, jusqu’à 70 % des interventions de débouchage concernent directement ces fameuses lingettes. La raison ? Une croyance tenace dans leur supposée biodégradabilité.
Biodégradabilité : une fausse promesse dangereuse
En réalité, comme l’expliquent les ONG ReZero et Zero Waste Europe, la plupart contiennent toujours des résines plastiques (polyester, polypropylène…). Même lorsqu’elles se dégradent partiellement — un processus qui prend environ trois mois selon M. Browne — elles libèrent inévitablement des microplastiques. Or, entre leur passage dans la cuvette et leur arrivée à la station d’épuration, seules quelques dizaines d’heures s’écoulent.
Face à cet état de fait, professionnels et experts sont formels : il devient urgent de bannir ce réflexe du jet dans les toilettes pour freiner un cycle coûteux et écologiquement désastreux.