Jean Jaurès, mort il y a 100 ans : une figure récupérée par l’échiquier politique
Jean Jaurès est mort assassiné il y a 100 ans. Figure tutélaire de la gauche, son héritage idéologique est désormais très convoité.
Quand Jean Jaurès meurt assassiné au café du Croissant à Paris le 31 juillet 1914, c’est une des plus grandes figures politiques du 20è siècle qui disparaît. Son meurtrier Raoul Villain, un étudiant déséquilibré, incarne alors ce nationalisme français qui le haïssait avec passion. Le fondateur du journal L’Humanité, animé d’un pacifisme viscéral, il tentait désespérément de mettre fin aux bruits de bottes qui allaient bientôt mettre l’Europe à feu et à sang.
Son héritage est longtemps resté l’unique propriété de la gauche française, qu’elle fut communiste ou socialiste. Mais aujourd’hui, la classe politique entière en manque de repères se réclame de Jaurès. Si ce matin, François Hollande s’est recueilli au Café du Croissant, ils sont nombreux ces dernières années à avoir invoqué son fantôme.
Jaurès, l’héritage idéologique tout-terrain ?
Tout naturellement, le chef de l’Etat revendique sa filiation politique avec Jaurès. N’a-t’il pas déclaré avec fougue, alors qu’il lui rendait hommage à Carmaux, sa ville de naissance : « Aujourd’hui, être fidèle à Jaurès, ce n’est pas renoncer, céder, c’est le contraire (…) Jaurès n’était pas un rêveur, c’était un optimiste. On se moque toujours des optimistes (…) L’optimisme selon Jaurès, c’était le courage. Et le courage, c’est de supporter sans fléchir les épreuves » ? Dans un contexte difficile, le PS cherche ainsi à donner un peu de chair et d’âme à son action politique.
Passons à droite avec par exemple, les petites phrase d’un Nicolas Sarkozy alors candidat à la présidentielle. En 2007, lors d’un meeting à Toulouse, il invoque l’esprit de Jaurès une trentaine de fois, et ose « Je suis l’héritier de Jaurès ». Il attaque même la gauche sur son terrain : « La gauche française n’est plus réformatrice, elle est conservatrice, immobile et statufiée. Jaurès disait : le courage, c’est de choisir un métier et de bien le faire, quel qu’il soit. Pour Jaurès, le travail était une valeur. La gauche d’aujourd’hui n’aime pas le travail ». La gauche criera par la suite à la démagogie.
Même le Front national prend à son compte les valeurs jauressiennes. En 2009, Louis Aliot, alors candidat FN pour les européennes dans le sud-ouest, imprime des affiches de campagne ornées du portrait de Jaurès, et portant l’inscription « Jaurès aurait voté Front National ». En 2011, Marine Le Pen profite du congrès du parti pour citer Jaurès, une citation qui s’avèrera fausse. Cette année, Steeve Briois, qui n’était pas encore maire d’Hénin-Beaumont, ajoute à sa carte de voeux cette citation : « Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l’avenir ». Les mots, émanant d’une figure aussi anti-nationaliste que Jaurès, vaudront à Briois d’être accusé d’avoir tenté de flatter facilement l’électorat ouvrier.