“Grave” : ne pas confondre “le cannibalisme avec du vampirisme”
C'est aujourd'hui que sort dans les salles "Grave" de Julia Ducournau. Pour la réalisatrice du long-métrage,, il était important que ce dernier ne ressemble pas à "un film de vampires".
Après de premières apparitions remarquées à la Semaine de la Critique du 69e Festival de Cannes et lors du festival Midnight Madness de Toronto, Grave sort enfin dans les salles obscures. Film difficile dès sa bande-annonce, il raconte l’histoire de Justine, adolescente végétarienne qui va se révéler accro à la viande crue suite à un bizutage dans son école vétérinaire.
Julia Ducournau, réalisateur de Grave, raconte d’ailleurs à AlloCiné que l’accueil réservé à son premier long-métrage à Cannes l’avait plus qu’étonnée et également soulagée :
“J’ai été extrêmement surprise de la très belle réception que le public et la critique ont fait au film. […] Très grosse surprise à l’annonce du prix aussi. […]. Je suis très contente qu’on ait vu plus loin que le premier degré choquant du film sur certaines scènes, que ma démarche ait été comprise, que ça n’était pas gratuit et que ça faisait partie de l’évolution de mon personnage. Pour la suite, ça a été complètement fou. Ça l’est toujours. Je suis au milieu, j’ai du mal à avoir du recul par rapport à ça. C’est une grande satisfaction de pouvoir toucher un public extrêmement large ou un public très genre, comme les aficionados qui vont presque à la messe quand ils vont voir les films de certains festivals comme Sitges, Midnight Madness… Et des festivals généralistes qui ne savent pas ce qu’ils vont voir réellement. C’est agréable de pouvoir parler à ces publics et de découvrir mon film de manière différente à chaque fois. J’ai beaucoup de chance.”
“Grave” : un engouement toujours “fou” pour sa réalisatrice
Si elle reconnaît que Grave est à la fois “comédie, drame et body horror”, Julia Ducournau souhaitait éviter une étiquette en particulier :
“Quand j’écrivais le film, je passais mon temps à me dire : il ne faut pas que ça ait l’air d’un film de vampires, il faut vraiment que je me confronte à la réalité. Même si je me permets des scènes oniriques, les scènes qui parlent de cannibalisme sont toujours traitées de manière très réaliste. C’était très important pour moi qu’on ne confonde pas ça avec du vampirisme.”
Un titre choisi pour rappeler un sens
Et quand on lui demande le pourquoi de ce titre (Grave alors que le film s’intitule Raw, “Cru”, dans les pays anglophones) la réalisatrice évoque à la fois une proximité avec ces personnages et l’envie de réhabiliter le sens premier du terme :
“Grave, c’est un mot que j’utilise, comme tout le monde, tout le temps. D’emblée, quand j’y ai pensé, je me suis dit, ça sonne bien, et ça va bien avec l’âge de mes personnages. Après, je me suis questionnée sur ma manière d’utiliser ce mot, et je me suis dit que c’était marrant car c’est un mot qu’on utilise de manière très légère, alors que c’est un mot extrêmement lourd de sens. Je me suis dit : comment en est-on arrivé là ? Je me suis rendue compte en en parlant à une copine à moi qu’en général, quand on parlait de nos problèmes, à des amis, à la famille, qu’on a tendance à envelopper le truc en disant : c’est pas grave !
[…] Quelqu’un de grave, on pourrait dire que c’est quelqu’un qui est sous le coup de la gravité. Ça vient de là. Être sous le coup de la gravité, ça veut dire être cloué au sol, quelque part poussé sur le sol par une masse. […] Quand il nous arrive quelque chose qui nous dépasse ou qui nous fait du mal, on ne peut pas s’échapper. Je me suis dit : c’est la condition humaine et c’est exactement ce qui arrive à mon personnage dans le film, c’est-à-dire qu’elle se trouve coincée, écrasée sous le poids du destin, de la fatalité et elle n’a pas d’autres choix que de continuer à vivre avec et de trouver des solutions”.