“Facebook Files” : avant l’audition de Frances Haugen à l’Assemblée nationale, que savoir ?
La lanceuse d'alerte américaine est à l'origine d'un épisode de tourmente sans précédent pour le groupe de Mark Zuckerberg.
Mercredi 10 novembre, Frances Haugen est attendue à 9 heures par la Commission des lois ainsi que la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Dans la foulée, sera examinée la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte.
L’ancienne cadre de Facebook a fait sortir des milliers de documents de documents confidentiels avant de les fournir au Congrès des Etats-Unis ainsi qu’à la puissante régulatrice des marchés financiers, la Securities and Exchange Commission (SEC). L’entreprise de Mark Zuckerberg tente de faire diversion avec un changement de nom, et malgré les dernières révélations, les profits restent faramineux. Mais que révèlent ces documents ?
“Facebook sème la division et affaiblit nos démocraties”
Frances Haugen était employée au département “intégrité civique” de Facebook. Cette spécialiste des algorithmes, après une première interview à la célèbre émission américaine 60 Minutes sur CBS, a début octobre présenté ses arguments devant le Congrès des Etats-Unis. Qu’a-t-elle affirmé ?
Devant les élus, elle déclare alors en préambule : “Je suis ici aujourd’hui parce que je crois que Facebook est nuisible aux enfants, que Facebook sème la division et affaiblit nos démocraties. Les dirigeants de la compagnie savent pourtant ce qu’il faudrait faire pour rendre Facebook et Instagram plus sûrs, mais ils ne feront pas ces changements parce qu’ils mettent leurs profits astronomiques avant le public”. Elle en appelle à la régulation rapide du géant américain, évoquant une “banqueroute morale”.
Instagram, un danger pour les adolescentes ?
Dans les documents fournis, les chercheurs travaillant au sein d’Instagram ont étudié les impacts négatifs provoqués par l’application de partage de photos Instagram, en particulier sur les adolescentes. Ces études menées ont permis de déterminer que le risque de suicide parmi cette population augmente de 13,5%, et les troubles alimentaires de 17%.
Ce qui fait dire à la lanceuse d’alerte devant les élus: “Ce qui est tragique c’est que cette recherche, menée par Facebook, indique que les jeunes filles sont de plus en plus dépressives à force de voir du contenu provoquant des troubles alimentaires. Et c’est précisément pour ces raisons qu’elles utilisent l’application encore et encore. Donc elles tombent dans ce cercle vicieux, où elles se mettent à haïr de plus en plus leurs corps”.
Facebook et la modération du contenu haineux
Frances Haugen estime également que Facebook trompe ses utilisateurs quand il affirme suffisamment lutter contre la diffusion de contenu haineux en ligne. Après l’élection présidentielle américaine de 2020, Facebook décidait de dissoudre le service au sein duquel travaillait la lanceuse d’alerte, estimant que sa mission de régulation de la désinformation était terminée. Peu de temps après, le Capitole était envahi.
Plus généralement, voici ce qu’elle pense de l’utilisation des algorithmes : “L’une des conséquences de la manière dont Facebook choisit son contenu, c’est l’engagement, la réaction de l’utilisateur. Mais nos documents internes démontrent que le contenu est haineux, qu’il divise, et qu’il est plus facile de susciter des réactions chez des personnes énervées, que n’importe quelle autre émotion. La désinformation et les contenus provoquant la colère et la violence encouragent les utilisateurs à rester sur Facebook, et à continuer de publier”.
Et en supprimant des filtres censés lutter contre la désinformation, “Facebook s’est rendu compte qu’en changeant l’algorithme pour plus de sécurité, les utilisateurs passaient moins de temps sur la plateforme, cliquaient sur moins de publicités, et eux, gagnaient moins d’argent”, a-t-elle encore indiqué.
La réponse de Mark Zuckerberg
Le 6 octobre, le patron de Facebook répondait via son propre compte et sans convaincre vraiment : “L’argument qui dit que nous propulsons délibérément du contenu violent pour le profit est illogique. Nous gagnons de l’argent grâce à la publicité. Les annonceurs nous répètent constamment qu’ils ne veulent pas que leurs pubs soient à proximité de contenu haineux ou violent”.
Que pense Frances Haugen de Mark Zuckerberg ? “Il a un rôle unique dans l’industrie de la tech parce qu’il détient 55% des droits de vote de Facebook. Il n’y a pas d’entreprise aussi puissante qui soit contrôlée de manière aussi unilatérale. Mark Zuckerberg ne rend de comptes à personne. Et il est, dans les faits, le concepteur en chef des algorithmes”.
"Je pense que Facebook nuit aux enfants, accentue les divisions et affaiblit notre démocratie"
La lanceuse d'alerte et ex-employée de Facebook Frances Haugen témoigne au Congrès américain pic.twitter.com/edLC6UsFzT
— BFMTV (@BFMTV) October 6, 2021