Effet « spirale » sur TikTok : pourquoi ce phénomène inquiète pour la santé des jeunes

Image d'illustration. Jeune personne captivée par des visuels colorésADN
Sur TikTok, un nouvel effet baptisé "spirale" fait parler de lui, suscitant l'inquiétude des parents et des experts. Ce filtre, devenu viral auprès des adolescents, est pointé du doigt pour ses possibles conséquences néfastes sur leur santé.
Tl;dr
- L’algorithme TikTok favorise l’exposition à des contenus sensibles.
- Amnesty International France saisit l’Arcom contre TikTok.
- Des cas graves liés à la santé mentale de jeunes sont signalés.
Des alertes récurrentes sur les dérives de TikTok
La question de la protection des adolescents face aux réseaux sociaux n’a jamais semblé aussi urgente. Ces derniers mois, la branche française de Amnesty International s’est à nouveau penchée sur le fonctionnement de l’algorithme du réseau social chinois. Dans un rapport publié ce mardi 21 octobre, l’ONG dénonce l’effet « spirale », ou « rabbit hole », favorisé par TikTok, qui conduit les jeunes utilisateurs à être sur-exposés à des contenus en lien avec la dépression, l’automutilation ou le suicide.
Les témoignages, hélas, abondent. Il y a quelques mois, une mère racontait la descente aux enfers de sa fille de 14 ans, souffrant d’anorexie et ayant fait une tentative de suicide après avoir été confrontée à des vidéos anxiogènes sur la plateforme. Une autre tragédie a secoué Cassis en 2023 : une adolescente s’est donné la mort après un harcèlement en ligne, ses parents reprochant à la plateforme de n’avoir rien fait pour censurer des contenus explicitement dangereux.
L’ONG saisit l’Arcom et pointe des manquements au DSA
Face à ces constats accablants, Katia Roux, chargée de plaidoyer pour Amnesty International France, a annoncé une démarche inédite : la saisine de l’Arcom, régulateur de l’audiovisuel et du numérique. L’ONG souhaite ainsi porter plainte au titre du DSA (Digital Services Act), estimant que la plateforme ne respecte pas ses obligations depuis août 2023 en matière de protection des mineurs.
D’ailleurs, la pression institutionnelle s’accentue : en février dernier, la Commission européenne a ouvert une enquête visant TikTok, soupçonné de manquements dans la protection des plus jeunes utilisateurs.
Des expériences troublantes et une amplification algorithmique
Pour étayer son propos, Amnesty International France a mené une série d’expériences. Trois profils fictifs d’adolescents de 13 ans ont été créés et exposés au fil personnalisé « Pour toi » de TikTok. Résultat : en moins de vingt minutes, les comptes voyaient défiler principalement des vidéos traitant de santé mentale ou évoquant la tristesse, parfois avec des « pensées suicidaires » présentes en moins de trois quarts d’heure. D’autres tests automatisés réalisés avec l’Algorithmic Transparency Institute ont confirmé cette amplification algorithmique, même si elle restait moins marquée que pour les comptes manuels.
Face à ces critiques, TikTok défend son modèle et avance que la méthodologie d’Amnesty « aboutit à un résultat prédéterminé ». Le réseau social affirme par ailleurs supprimer neuf vidéos sur dix contrevenant à ses règles avant même leur visionnage.
L’appel à un encadrement plus strict des plateformes
Cette situation alarme au plus haut point les acteurs du secteur. Le collectif MentalTech, regroupement d’experts en santé mentale numérique, met en garde contre plusieurs dangers :
- l’illusion d’un confident dans l’intelligence artificielle ;
- l’absence d’analyse du non-verbal ;
- et le manque de transparence des algorithmes.
Pour eux, il devient urgent d’instaurer une véritable éthique du soin digital et d’encadrer plus strictement les réseaux sociaux. Sans sombrer dans le rejet systématique du numérique – qui peut avoir son utilité – la prudence reste de mise pour préserver la santé mentale des plus vulnérables.