Des signes inquiétants d’une future résistance aux antimicrobiens détectés dans les eaux usées

Image d'illustration. Gros plan des bactéries e. coli au microscopeADN
Des chercheurs ont identifié dans les eaux usées la présence inquiétante de signes avant-coureurs d'une future résistance aux antimicrobiens, révélant ainsi un risque croissant pour la santé publique à travers la dissémination possible de bactéries résistantes.
Tl;dr
- Résistance antimicrobienne latente largement sous-estimée.
- La surveillance des eaux usées révèle un réservoir mondial caché.
- Inclure les gènes latents dans la lutte contre les superbactéries.
Un péril invisible se cache dans nos eaux usées
À travers le monde, la lutte contre la résistance antimicrobienne prend un tournant inédit. Tandis que l’inquiétude grandit face à la montée des « superbactéries », ces microbes capables de déjouer nos traitements les plus performants, des chercheurs ont choisi un angle d’étude surprenant : le contenu de nos égouts. Ce choix, loin d’être anecdotique, permet d’observer ce que notre environnement a à nous apprendre sur l’évolution silencieuse, mais tenace, de la résistance aux antibiotiques.
L’ampleur insoupçonnée des gènes latents
Récemment, une équipe internationale a épluché pas moins de 1 240 échantillons d’eaux usées provenant de 351 villes et couvrant 111 pays. Leur objectif : repérer les gènes de résistance aux antimicrobiens (ARGs) – non seulement ceux déjà connus pour leur dangerosité, mais aussi ceux dits « latents », jusque-là passés sous le radar. Grâce à une méthode pointue, la métagénomique fonctionnelle, ils ont identifié une véritable bibliothèque mondiale de gènes latents, beaucoup plus vaste qu’on ne l’imaginait.
D’après Hannah-Marie Martiny, première auteure et bioinformaticienne à la Technical University of Denmark (DTU), cette abondance inattendue s’expliquerait surtout par des phénomènes de sélection et de compétition entre micro-organismes, bien plus que par leur simple dispersion.
L’importance cruciale d’une veille élargie
Ce constat soulève une question essentielle : sommes-nous suffisamment armés pour anticiper les futures menaces ? Pour Patrick Munk, professeur associé à la DTU National Food Institute, il est désormais impératif d’intégrer dans notre surveillance systématique des eaux usées non seulement les ARGs déjà actifs, mais aussi ces fameuses variantes dormantes. Cette approche pourrait permettre :
- d’anticiper l’émergence de résistances encore inactives ;
- d’identifier plus rapidement les risques pour la santé publique ;
- d’adapter le développement des nouveaux antibiotiques en conséquence.
Selon Martiny, « les eaux usées constituent un outil pratique et éthique pour surveiller la résistance antimicrobienne, car elles regroupent les rejets humains, animaux et environnementaux ». Certes, la majorité des gènes découverts ne menacent pas immédiatement notre santé. Mais certains pourraient bel et bien devenir problématiques demain – avec tout ce que cela implique en matière de prévention ou de traitement.
Mieux comprendre pour mieux agir face aux superbugs
Finalement, suivre simultanément les ARGs acquis et latents offrirait une vision plus complète du processus évolutif qui façonne ces « superbactéries ». Comme le souligne Munk, « Bactéries et microbes développent parfois déjà les moyens de contrer nos médicaments avant même leur mise sur le marché ». Prendre en compte cette dynamique pourrait ainsi alléger – voire prévenir – l’alourdissement du fardeau mondial représenté par la résistance antimicrobienne.