Dersu Uzala : le film qui a sauvé Akira Kurosawa

Image d'illustration. Dersu UzalaMosfilm / PR-ADN
La liberté artistique et le récit d’amitié de Dersu Uzala a offert au réalisateur japonais Akira Kurosawa l’opportunité de surmonter la dépression et de retrouver son génie.
Tl;dr
- Après un échec cuisant avec Dodes’ka-Den, Akira Kurosawa sombre dans la dépression et doute de son talent.
- L’offre de Mosfilm en Russie lui permet de réaliser Dersu Uzala, retrouvant liberté artistique et inspiration.
- Le film, centré sur l’amitié et la survie dans la taïga, restaure la confiance de Kurosawa et marque un tournant salvateur dans sa carrière.
Un retour difficile pour Akira Kurosawa
Après une absence de cinq ans sur les plateaux, Akira Kurosawa revient en 1971 avec Dodes’ka-Den, son premier film en couleur. Tourné à toute allure – seulement 28 jours – et avec des moyens limités, le réalisateur japonais espère alors convaincre une nouvelle génération que le cinéma n’a pas besoin de budgets astronomiques ni de tournages interminables. Or, le pari s’avère perdu : la critique ne suit pas, le public non plus. L’échec cuisant du film plonge Akira Kurosawa dans une profonde dépression, aggravée par l’impossibilité de financer de nouveaux projets. À ce moment-là, il doute même de son talent et tente de mettre fin à ses jours.
L’inspiration renaît grâce à la Russie
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Pourtant, c’est du côté de la Russie qu’une bouffée d’air frais va surgir. La société Mosfilm propose au cinéaste d’adapter le célèbre témoignage Dersu Uzala, publié en 1923 par Vladimir Klavdiyevich Arsenyev. Depuis longtemps fasciné par ce récit d’exploration sibérienne et d’amitié improbable entre un officier russe et un trappeur autochtone, Kurosawa accepte l’offre. C’est dans la taïga, loin du Japon, qu’il tourne finalement Dersu Uzala en 1975, profitant d’une liberté artistique totale.
Amitié et survie au cœur de la taïga
Au fil du film, le spectateur suit Arsenyev, cartographe confronté à la rudesse extrême du nord sibérien. Son salut vient d’un personnage atypique : Dersu (incarné par Maxim Munzuk), chasseur expérimenté mais humble, qui partage sans compter ses connaissances de la nature. Parmi les moments marquants :
- Dersu anticipe une tempête et improvise un abri vital.
- L’enseignement du respect mutuel entre hommes des bois.
- L’abnégation dans les épreuves et les sauvetages in extremis.
Ce duo illustre une solidarité rare face aux éléments impitoyables.
Une reconnaissance retrouvée… mais une histoire poignante
Cinq ans plus tard, lors de retrouvailles attendues, Dersu a vieilli ; ses sens faiblissent. Arraché à sa forêt pour suivre son ami en ville, il dépérit dans un monde qui n’est pas le sien – image bouleversante que souligne le regard fixe de la caméra sur sa silhouette effacée au coin d’un salon citadin. Le film se clôt sur une note tragique mais subtilement empreinte d’espoir : si Dersu Uzala n’est pas un immense succès commercial, il restaure tout de même la confiance de son réalisateur.
Ce projet marque un renouveau pour Akira Kurosawa. Il poursuivra ensuite avec Kagemusha, Ran et plusieurs autres œuvres majeures avant sa disparition en 1998. Pour beaucoup, ce détour sibérien fut bien plus qu’un simple tournant artistique : il sauva littéralement la vie d’un géant du septième art.