C’est quoi ce projet de taxation des multinationales à l’échelle mondiale ?
L'Irlande a renoncé à son taux d'imposition très bas sur les sociétés, rejoignant ainsi l'accord mondial de réforme de la fiscalité.
Le jeudi 7 octobre, l’Irlande par le biais de son ministre des Finances a rejoint l’accord sur une réforme de la taxation des multinationales, partagé par 130 quelques mois plus tôt. Et dans la foulée, l’Estonie a également accepté de relever son taux d’imposition sur les sociétés.
Jusqu’à maintenant, le taux irlandais de 12,5% était particulièrement attractif pour les multinationales qui y installent leur siège. Mais jeudi donc, le ministre des Finances Paschal Donohoe a indiqué lors d’une conférence de presse que suite à “des discussions détaillées, le gouvernement a approuvé ma recommandation que l’Irlande rejoigne le consensus international” sur la fiscalité.
Plus précisément, le texte de l’accord évoque désormais un impôt sur les sociétés au taux effectif minimum de 15% et non plus d’“au moins 15%”, une formulation à laquelle Dublin était opposé car elle laissait entrevoir la possibilité de hausses à l’avenir.
Ceci étant acté, quelle est la portée de cet accord ?
Un accord sous l’égide de l’OCDE
Le but de la réforme est de lutter contre l’évitement fiscal de multinationales, pour la plupart américaines, qui s’enregistrent dans les pays aux plus faibles taux de taxation.
Le 1er juillet dernier, Mathias Cormann, le secrétaire général de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) déclarait : “Après des années de travaux et de négociations intenses, ce paquet de mesures historique garantira que les grandes entreprises multinationales paient leur juste part d’impôts partout dans le monde”.
Dans un communiqué, l’OCDE se réjouissait ainsi : “Ce plan à deux piliers sera d’une aide précieuse aux États qui doivent mobiliser les recettes fiscales nécessaires pour rétablir leurs budgets et leurs finances publiques tout en investissant dans les services publics essentiels, les infrastructures et les mesures requises pour que la reprise post-Covid soit forte et durable”.
Quels sont ces deux piliers ?
Le premier pilier de la réforme est en direction des multinationales affichant un chiffre d’affaires mondial de plus de 20 milliards d’euros et dont la rentabilité est supérieure à 10%. Ici, le but est de répartir autrement les droits à taxer d’une partie des profits au-delà de ces 10% entre les pays où ces multinationales sont en activité.
Mais l’un des enjeux des prochaines semaines de négociations consiste à effacer la discorde entre pays émergents et certains autre pays occidentaux. Ainsi, les premiers (Turquie, Brésil ou Inde en tête) veulent mieux répartir 30% de ces surprofits. Les autres (Etats-Unis et certains pays de l’UE) veulent de leur côté conserver la part du gâteau et ils penchent plutôt pour 20%. Pour Bruno Lemaire, il n’ets pas impossible de parvenir à un accord à 25%.
Le second pilier concerne l’instauration d’un taux d’imposition minimum effectif des bénéfices des entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros. Ici aussi, il y a des dissensions. Les détails techniques doivent être posés d’ici ce soir, 8 octobre.
Mais pour l’ONG Oxfam, par la voix de Susana Ruiz, responsable des politiques fiscales, “ce qui aurait pu être un accord historique pour mettre fin à l’ère des paradis fiscaux devient un rafistolage de pays riches à la place. La proposition d’un taux d’imposition (minimum) mondial fixé à 15% va largement servir les pays riches et augmenter les inégalités. Le G7 et l’Union européenne vont récupérer les deux tiers des nouvelles recettes fiscales mais les pays les plus pauvres seulement 3% alors qu’ils représentent plus d’un tiers de la population mondiale”.