Sortir des antidépresseurs : les clés face à une dépression très présente en France

En France, la dépression touche un grand nombre de personnes et les traitements par antidépresseurs sont courants. Pourtant, arrêter ces médicaments soulève de nombreuses questions, notamment sur les précautions à prendre et l’accompagnement nécessaire.

La « déprescription », une question longtemps négligée

Au fil des années, le débat autour de la déprescription des antidépresseurs s’est imposé comme un enjeu central. Jadis peu évoquée dans la formation médicale, cette réflexion est désormais incontournable, tant pour les psychiatres que pour leurs patients.

Comme le confie à l’AFP la psychiatre française Maeva Musso, présidente de l’Association des jeunes psychiatres et des jeunes addictologues, « tout au long de mon internat, achevé pourtant très récemment, ce sujet n’a jamais été abordé dans l’enseignement ». Il n’est plus rare aujourd’hui que les patients expriment le souhait de réduire, voire d’arrêter leur traitement. Pourtant, ce désir est parfois perçu comme un déni du trouble par une partie du corps médical.

Une étude internationale apporte des réponses concrètes

Pour mieux cerner les risques et opportunités liés à l’arrêt d’un antidépresseur, une équipe de chercheurs menée par Giovanni Ostuzzi et Debora Zaccoletti a analysé 76 essais cliniques portant sur plus de 17 000 participants.

Publiés le 11 décembre 2025 dans le Lancet Psychiatry, leurs travaux confirment qu’un arrêt progressif ne comporte pas plus de risque de rechute qu’une poursuite du traitement, à condition que le patient bénéficie d’un accompagnement psychologique solide. En revanche, interrompre brutalement son traitement demeure fortement déconseillé.

Soutien psychologique et difficultés françaises

Il convient toutefois de souligner que sans ce soutien psychologique, même une diminution très progressive peut entraîner un risque non négligeable de rechute. Le psychiatre allemand Jonathan Henssler, dans son commentaire publié également par le Lancet Psychiatry, précise : « Même quand on diminue très progressivement un antidépresseur, l’arrêt reste associé à un risque de rechute. Les bénéfices supplémentaires d’une psychothérapie apparaissent évidents. »

Or, la situation en France pose problème. Nombreux sont ceux qui peinent à accéder à un accompagnement adapté, comme le regrette Christine Villelongue, coprésidente de l’association France Dépression. Selon elle, la « carence » persistante en soignants complexifie considérablement cette étape délicate.

Pistes étrangères et perspectives françaises

D’autres pays ont pris de l’avance : en Norvège, des consultations spécifiques sont proposées ; aux Pays-Bas, l’utilisation de microdoses autorise une réduction extrêmement graduelle. En France toutefois, si la nécessité d’individualiser les parcours se fait sentir – « Même si les antidépresseurs sont efficaces pour empêcher les rechutes dépressives, rien n’oblige à en faire un traitement à long terme pour tout le monde. » rappelle Debora Zaccoletti –, la réalité du terrain reste loin d’être idéale.

Pour ceux confrontés à cette question sensible, il faut retenir trois éléments clés :

• L’arrêt progressif est préférable à l’arrêt brutal.
• L’accompagnement psychothérapeutique diminue nettement les risques.
• L’accès aux soins spécialisés demeure inégal selon les territoires.

Les évolutions récentes révèlent donc une prise de conscience salutaire… mais aussi la persistance d’importantes inégalités face à la prise en charge de la dépression.