Sans Neuromancer, pas de Matrix : retour aux sources du cyberpunk

Image d'illustration. Keanu Reeves MatrixVillage Roadshow Pictures / PR-ADN
L’auteur de science-fiction William Gibson, souvent considéré comme un pionnier du cyberpunk, a marqué la littérature avec son influence sur la culture populaire. Son point de vue sur le film culte Matrix éclaire les liens entre son œuvre et cet univers cinématographique.
Tl;dr
- Neuromancer de William Gibson est l’un des piliers du cyberpunk, ayant profondément influencé la science-fiction moderne et même le film Matrix.
- William Gibson admire ouvertement Matrix, qu’il voit comme un univers « dickien » cohérent et imprégné d’esthétique cyberpunk, malgré des parallèles évidents avec son propre roman.
- Malgré son influence majeure, Neuromancer n’a jamais connu un succès massif, mais pourrait gagner une nouvelle visibilité grâce à son adaptation à venir sur Apple TV+.
Un héritage cyberpunk incontournable
Quiconque s’intéresse à la science-fiction moderne a forcément croisé, un jour ou l’autre, la route de William Gibson. Publié en 1984, son roman Neuromancer jette les bases d’un univers dystopique où les frontières entre l’humain et la machine se brouillent. Par son influence décisive sur la définition même du genre cyberpunk, le livre n’a cessé d’irriguer l’imaginaire collectif — jusqu’à inspirer directement le chef-d’œuvre cinématographique des sœurs Wachowski : Matrix.
L’admiration assumée de William Gibson pour Matrix
Sur ce point, William Gibson ne fait aucun mystère de sa fascination. D’ailleurs, il l’a confié lui-même, non sans surprise : il s’attendait à rester indifférent au film avant d’en ressortir conquis. Il a même avoué y avoir retrouvé davantage l’esprit de Philip K. Dick que le sien propre : « J’ai beaucoup aimé. Je suis même retourné le voir une seconde fois, ce qui est rare chez moi. J’ai trouvé que c’était plus proche du travail de Dick que du mien, quoique plus cohérent, plus sain. Un univers dickien avec moins d’éléments mouvants… mais solide ». Sur le réseau social X, l’auteur ne manque pas d’humour lorsqu’il qualifie le long-métrage de « kung-fu Phil Dick movie » rehaussé d’une garde-robe cyberpunk assumée.
L’influence réciproque et l’essence du cyberespace
Pourtant, si le film impressionne par sa capacité à questionner notre rapport à la technologie — au travers d’un prisme nourri autant par Platon que par les codes du cyberpunk — il serait difficile d’imaginer Matrix sans l’apport fondateur de Neuromancer. La filiation saute aux yeux : un antihéros hacker, une intelligence artificielle tapie dans l’ombre, une ville dystopique tentaculaire… Et ce n’est pas un hasard si le réseau virtuel central du roman porte déjà un nom familier : « The Matrix », que William Gibson décrit comme « une hallucination consensuelle… une représentation graphique des données abstraites issues de toutes les banques informatiques humaines. »
Dans ses déclarations publiques, William Gibson préfère insister sur la dynamique collective de création ; il évoque volontiers la notion d’osmose culturelle créative, rappelant qu’au moment où il écrivait Neuromancer, le terme même de cyberpunk restait encore à inventer.
L’avenir et la reconnaissance méritée de Neuromancer
Il reste toutefois un paradoxe frappant : si Neuromancer occupe une place centrale dans la culture geek et inspire jeux vidéo comme anime (Ghost in the Shell, Cyberpunk 2077), il n’a jamais connu le succès populaire massif auquel on aurait pu s’attendre. Dès ses premières lignes — celles où « le ciel au-dessus du port était couleur télé calée sur une chaîne morte » — William Gibson donne le ton d’une œuvre inventive où thèmes majeurs (dépendance, marginalité) et esthétique visuelle se marient intimement.
Voici quelques notions marquantes posées dès ces premières pages :
- L’ancrage dans un univers urbain saturé (« Sprawl »).
- L’omniprésence des addictions technologiques ou chimiques.
- L’anti-héroïsme radical du protagoniste principal.
Peut-être faudra-t-il attendre l’adaptation Apple TV+ à venir pour voir enfin Neuromancer trouver toute sa résonance auprès d’un public plus large. Une chose est certaine : sans lui, impossible d’imaginer notre représentation actuelle du cyberespace et des mondes virtuels.