Nomophobie : quand la peur de perdre son portable peut provoquer de « vraies crises »
Avoir peur de perdre son smartphone s'appelle être "nomophobe". Un psychiatre nous explique que si de "vraies crises" peuvent découler de cet état, il ne s'agit pas non plus d'une addiction.
Comme d’autres mots sans doute moins barbares, la nomophobie est encore refoulée de bon nombre de dictionnaires. Ce terme constitue pourtant une réalité que l’on sent large : la peur de perdre son smartphone.
Nos confrères du Midi Libre ont abordé le sujet avec le docteur Laurent Karila, psychiatre et addictologue au sein de l’hôpital Paul-Brousse (HP-HP). Pour lui, on ne peut pas parler d’addiction pure ici : « C’est la peur de ne plus avoir son smartphone, d’être donc déconnecté, de ne plus avoir de batterie, de réseau. Ce n’est pas une addiction, plutôt un ensemble de symptômes qui peuvent s’inscrire dans une addiction aux écrans. Tout le monde peut être un peu embêté ou contrarié quand il n’y a pas de réseau ou de batterie, mais là, c’est amplifié, c’est pathologique. »
« La nomophobie n’est pas synonyme d’addiction au smartphone »
Le docteur Karila souligne que « la nomophobie n’est pas synonyme d’addiction au smartphone. On n’a pas encore des gens qui viennent spécifiquement pour ça. » Comprendre que tout dépend de l’utilisation que l’on fait de son téléphone. Pour certains, ce sera « la consultation compulsive de mails », pour d’autres, des achats compulsifs.
La nomophobie se doit d’être prise au sérieux car elle est ainsi à même de provoquer « des réactions disproportionnées. Une des manifestations classiques, ce sont des grands moments d’angoisse. Avec de vraies crises, qui nécessitent la réassurance, un petit isolement pour se calmer, etc. »
« Pas de désintoxication totale. C’est impossible ! »
Pour essayer de déterminer à quel niveau chacun est atteint, le psychiatre invite à « se focaliser sur des facteurs. J’appelle ça la règle des 5C : la perte de contrôle, l’envie irrésistible de consommer, l’activité compulsive et l’usage continu, malgré les conséquences médicales, psychologiques et sociales. Il faut qu’il y ait ces critères pour dire qu’il y a un phénomène d’addiction. »
Pour retrouver une certaine liberté de corps et d’esprit, mieux vaut se fier à de petits efforts répétés qu’à une suppression totale du smartphone de son quotidien : « Il y a plein de petites règles très comportementales de thérapie à utiliser. Une chose est sûre : pas de désintoxication totale. C’est impossible ! Il faut privilégier des petits breaks de téléphone, auto-adaptés selon les gens. Le week-end, sur les temps de vacances, il faut en profiter. Il faut essayer le soir. »