Les seiches peuvent sauter un repas si elles savent qu’il y aura des crevettes au dîner
Si l'intelligence des céphalopodes n'est plus à démontrer, une récente étude vient mettre en lumière une compétence jusqu'ici méconnue.
Des chercheurs des Universités de Caen et de Cambridge ont dévoilé les résultats surprenants d’une étude menée sur des seiches communes européennes. Relayés par la revue Biology Letters, ils suggèrent que ces céphalopodes mangent moins le midi s’ils savent que des crevettes seront au menu plus tard. Deux expériences ont permis de mettre en lumière cette assez incroyable faculté d’appréhender la notion de futur proche.
Crabe en journée, crevette le soir
Deux groupes de seiches ont été constitués dans le cadre de la première expérience. Les premières se voyaient offrir un crabe au cours de la journée, puis une crevette en soirée. Les autres pouvaient déguster également un crabe chaque jour, puis de façon aléatoire une crevette le soir.
Pauline Billard, co-auteure de l’étude et doctorante au sein du département Ethologie humaine et animale à l’Université de Caen, explique qu'”Au sein de ce deuxième groupe, les seiches ne pouvaient donc pas prévoir quand elles allaient recevoir une crevette le soir. Après 16 jours, on a échangé les conditions, et les seiches qui avaient de la crevette tous les soirs n’en ont reçu plus que de manière aléatoire, et vice versa”.
En fin de compte, les céphalopodes du premier groupe recevant une crevette chaque soir, ne mangeaient plus le crabe pour ne manger que la crevette. Autrement dit, ils ont montré un comportement prédateur sélectif. “C’est un comportement très complexe qui n’est possible que parce qu’elles possèdent un cerveau sophistiqué”, note la chercheuse. En revanche, rapporte SciencePost, les deux repas étaient absorbés, démontrant un comportement opportuniste.
La scientifique observe encore : “De plus, on a observé que lorsque l’on inversait les conditions, les seiches étaient capables de modifier leur comportement prédateur de manière adaptée aux changement environnementaux en moins d’une semaine”.
Une seconde expérience intéressante
L’autre expérimentation a consisté à leur proposer deux crabes par jour, et deux crevettes un soir sur deux. Ce modèle répétitif a abouti au même résultat, à savoir que lorsque les seiches pouvaient manger de la crevette le soir, elles ne prenaient pas les deux crabes. Et quand elles savaient qu’il n’y aurait pas de crevette le soir, elles mangeaient les crabes. Pauline Billard résume : “la seiche montre qu’elle est capable de prendre une décision dans le présent (manger ou non le crabe) sur la base d’informations passées (je sais que j’aurais de la crevette ou pas ce soir), ce qui aura des conséquences dans le futur proche (si je ne mange pas maintenant, je pourrai manger de la crevette ce soir)”.
Pour Nicola S. Clayton, qui a dirigé cette étude, “Cette découverte pourrait apporter un éclairage précieux sur les origines évolutives d’une capacité cognitive aussi complexe”.