Les raisons derrière la profonde crise économique qui frappe actuellement l’Allemagne

L’économie allemande traverse actuellement une période difficile, marquée par un ralentissement de la croissance, une inflation persistante et des défis industriels. Plusieurs facteurs internes et externes contribuent à cette situation préoccupante pour la première puissance économique européenne.

Une économie allemande en perte de vitesse

À l’heure où la France est souvent désignée comme le « malade de l’Union européenne », voilà que l’économie allemande vacille à son tour. Depuis plusieurs mois, la première puissance industrielle du continent fait face à une conjoncture morose. Selon Eileen Keller, responsable « Economie » au Deutsch-Französisches Institut (DFI), le pays est englué dans « une période de stagnation économique prolongée, comprenant des phases de récession en 2023 et 2024 », tandis que les perspectives demeurent ternes.

Le marché du travail frappé de plein fouet

La détérioration se lit aussi sur le marché du travail : avec plus de trois millions de chômeurs, soit un taux de 6,4 %, l’Allemagne n’avait pas connu pareille situation depuis près d’une décennie. Ce seuil symbolique inquiète jusque chez les économistes, tel Andreas Eisl, spécialiste des politiques européennes à l’Institut Jacques Delors, qui parle d’une épreuve inédite depuis trente ans.

Cette spirale entraîne son lot d’annonces inquiétantes dans les grandes entreprises. Pour ne citer que les cas récents :

• Lufthansa, leader aérien européen, prévoit la suppression de 4 % de ses effectifs d’ici à 2030, soit 4 000 postes.
• L’équipementier Bosch compte supprimer jusqu’à 13 000 emplois en Allemagne.
• Ford, pour sa part, va réduire jusqu’à mille postes à Cologne dans sa branche électrique.

Et ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres qui secouent aussi bien l’automobile que d’autres secteurs clés.

Crispations autour du modèle exportateur et des mutations industrielles

Mais comment expliquer ce ralentissement brutal ? Plusieurs causes s’entrecroisent. L’impact direct du conflit ukrainien sur le coût de l’énergie, vital pour une industrie intensive, s’ajoute à une concurrence accrue venant notamment de la Chine et aux conséquences des droits de douane américains sur les exportations européennes. Selon Marie Krpata, chercheuse à l’Ifri, près de 800 000 emplois sont concernés par la difficile transition du thermique vers l’électrique dans le secteur automobile. Un basculement jugé insuffisamment anticipé par les constructeurs et leurs sous-traitants.

L’exposition traditionnelle du pays au commerce international – véritable colonne vertébrale du fameux « Made in Germany » – devient désormais un facteur de vulnérabilité face aux tensions géopolitiques et économiques mondiales.

Soutiens publics massifs, mais incertitudes persistantes

Face à ces défis, Berlin mise sur sa relative santé financière : une dette publique limitée à 64 %, bien inférieure aux 114 % enregistrés côté français. Dans ce contexte, un plan d’investissement colossal a été engagé via un fonds dédié doté de 500 milliards d’euros, destiné à moderniser infrastructures et secteur militaire. Cependant, comme le souligne Andreas Eisl, la question demeure épineuse : quels domaines prioriser ? Faut-il protéger certains secteurs ou en sacrifier d’autres ? Par ailleurs, alors que certains voient dans ces investissements une opportunité pour relancer toute la zone euro, les divergences demeurent vives sur l’idée d’un endettement commun européen – un sujet sensible qui promet encore nombre de débats houleux entre Paris et Berlin dans les mois à venir.