Le scandale du CumCum : une fraude bancaire aux milliards d’euros en jeu

Image d'illustration. Vue aérienne d un espace de travail avec documents fiscaux et livres financiersADN
Depuis plusieurs années, une fraude bancaire sophistiquée, surnommée Cumcum, mobilise l’attention des autorités financières. Ce montage complexe permettrait à certains investisseurs d’échapper à l’impôt sur les dividendes, privant ainsi l’État de milliards d’euros de recettes fiscales.
Tl;dr
- Le « CumCum » coûte des milliards à la France.
- Enquêtes et réformes fiscales en cours contre ce montage.
- Des failles et contestations fragilisent l’efficacité des mesures.
Un montage fiscal au cœur de la tourmente
Depuis plusieurs années, le scandale du « CumCum » ne cesse de faire couler de l’encre. Derrière ce terme énigmatique se cache un système d’optimisation fiscale qui aurait coûté, selon une étude de l’université de Mannheim relayée par la cellule investigation de Radio France, quelque 140 milliards d’euros aux finances publiques européennes depuis le début des années 2000. Pour la seule France, la facture s’élèverait à environ 33 milliards. Un chiffre vertigineux, certes, mais sujet à débats : la directrice générale de la Fédération bancaire française, Maya Atig, évoque des approximations majeures dans ce calcul, le qualifiant d’« infondé et largement surestimé ». Les contestations ne manquent donc pas.
Mécanisme du « CumCum » : une brèche fiscale exploitée
Alors, comment ce dispositif a-t-il pu prendre autant d’ampleur ? Habituellement, les dividendes versés par une entreprise française à un investisseur non-résident sont soumis à une retenue à la source, sauf convention particulière. Or, le montage « CumCum » consiste à transférer temporairement ces actions à un établissement français juste avant le versement des dividendes. Ainsi, la banque perçoit le dividende sans retenue et reverse une partie (après commission) au bénéficiaire étranger avant de lui rendre les titres. Résultat : très peu – voire aucune – taxe prélevée sur ces gains.
Voici comment cette pratique s’organisait concrètement :
- L’investisseur étranger transfère temporairement ses actions à une banque locale.
- La banque encaisse les dividendes sans retenue puis prélève sa commission.
- Les titres sont restitués après versement du dividende.
Lente réaction des autorités et multiplication des enquêtes
Jusqu’à récemment, cette mécanique profitait d’un certain flou légal. En septembre dernier, Crédit agricole a été la première grande banque française à reconnaître sa participation au « CumCum », acceptant une CJIP (convention judiciaire d’intérêt public) pour solder les poursuites avec un paiement de 88,2 millions d’euros. De leur côté, au moins cinq établissements (parmi eux BNP Paribas, Société générale, ou encore NATIXIS) ont fait l’objet de perquisitions pour suspicion de fraude fiscale aggravée. Selon l’investigation menée par Radio France, treize banques seraient désormais visées par des procédures fiscales.
Nouvelles règles… mais quelles limites ?
Face à l’ampleur du phénomène, le législateur a décidé d’agir : la loi de finances pour 2025 intègre désormais un dispositif visant explicitement ces montages abusifs. Dès janvier 2026, la retenue à la source devra porter sur le véritable bénéficiaire effectif du dividende — un principe déjà adopté ailleurs en Europe avec succès. Mais voilà : le dernier bulletin officiel publié par le ministère en avril 2025 crée une exception pour certaines opérations sur marchés réglementés, dès lors que les banques disent ignorer l’identité finale du bénéficiaire. Plusieurs experts et sénateurs dénoncent là une « brèche » susceptible d’affaiblir considérablement l’impact réel de la réforme.
À cela s’ajoutent bien d’autres obstacles : complexité juridique des montages anciens, recours à des produits dérivés ou prêts de titres difficilement traçables, circuits internationaux opaques… Sans oublier les pressions exercées par le puissant lobby bancaire afin d’atténuer les nouvelles contraintes légales.
Reste donc cette question lancinante : après tant d’années d’évitement fiscal massif, les réponses apportées permettront-elles réellement de tourner définitivement la page du « CumCum » ?