Le mix énergétique russe : cap sur 2035
En octobre dernier, le ministère de l'Energie russe transmettait au gouvernement la feuille de route détaillant la stratégie énergétique à mettre en place à l’horizon 2035.
Les objectifs des grands décideurs russes semblent clairs : s’affirmer définitivement en tant qu’acteurs incontournables des marchés mondiaux.
En quelques chiffres
Le document soumis au président Poutine a depuis été étudié par deux membres du centre Russie-Nei de l’Ifri. Les deux experts détaillent dans leur compte rendu une ambition claire : la Russie veut continuer d’exporter gaz et pétrole à travers le monde et ainsi augmenter les revenus associés à la vente d’énergie.
Actuellement le pays est le 3e producteur d’énergie au monde ainsi que le 4e consommateur, mais surtout le 1er exportateur de gaz, le 2e exportateur de pétrole et 3e exportateur de charbon. Vladimir Poutine compte bien conserver ce leadership et accroître au passage son influence sur l’échiquier économique mondial.
Ainsi la Russie prévoit d’augmenter sa production en énergie primaire en passant de +8,6 % en 2020 à +21,2 % en 2035. Celle-ci ira de pair avec une hausse des exportations que Moscou entend porter de +16,1 % en 2020 à +32,4 % en 2035.
En ce qui concerne la consommation nationale, la part du pétrole devrait diminuer. Si elle représentait 39 % des dépenses d’énergies globales en 2018, les experts visent une baisse aux alentours de 31 %. Cette diminution laissera plus de place au gaz naturel qui passerait de 41 % à 47 % à l’approche de 2035. Ce n’est guère une surprise puisque Vladimir Poutine avait déjà expliqué son intérêt pour le gaz naturel liquéfié (GNL) lors de la semaine Russe sur l’énergie en octobre 2019. Les deux géants de l’énergie gazière en Russie applaudissent cette politique d’export notamment Gazprom pour les exportateurs de gaz via gazoduc, mais aussi Novatek, le leader russe en exportation de gaz naturel liquide.
Aussi, la part du charbon pourrait également connaître une augmentation légère (de 13 % à environ 15 % d’ici 2035) et permettra aux grands acteur du secteur de rester compétitifs. Sont principalement concernés le Groupe SUEK (Siberian Coal Energy Company) présidé par Andreï Melnitchenko et Kuzbassrazrezugol, filiale du Groupe UMMC (Ural Mining and Metallurgical Company, fondé et présidé par l’influent homme d’affaires Iskander Makhmudov).
Les parts allouées aux énergies renouvelables et du nucléaire devraient quant à elles rester relativement stables, bien qu’encore minoritaires (moins de 8 % du mix national).
Les principaux bénéficiaires de la politique énergétique russe
Ainsi la Russie ne risque donc pas de chambouler sa politique énergétique mais plutôt de miser sur la continuité quant à ses actuelles orientations. Elle souhaite se concentrer sur l’exportation et capitaliser sur ses importantes ressources domestiques en énergie pour faire croître l’économie globale du pays.
Sur la scène internationale, cette continuité devrait particulièrement satisfaire l’OPEP. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole compte en effet la Russie comme un de ses principaux pays partenaires et avait ratifié, en juillet 2019, un accord visant à réduire la production de barils par jour (1,2 millions de barils en moins par rapport à l’année 2018). La baisse de part du pétrole dans la consommation nationale constitue un nouveau pas vers cette diminution.
Il est donc certain que la Russie va continuer à être l’un des acteurs majeurs de l’énergie au niveau mondial. Et cela d’autant plus que ses projets axés sur la nouvelle route de l’Arctique ne feront qu’augmenter sa capacité d’exportation vers l’Asie.