De nouvelles perspectives pour Jean-Charles Naouri et le groupe Casino

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Ce mois d’avril se clôture avec de nouvelles perspectives pour le Groupe de Jean-Charles Naouri. Le distributeur Casino étudie deux projets, l’un avec l’homme d’affaires Daniel Kretinsky, qui propose d’augmenter le capital du Groupe, l’autre avec Les Mousquetaires, qui envisageraient d’intégrer le nouvel ensemble Groupe Casino - TERACT.
Si elles sont indépendantes l’une de l’autre, les deux annonces, concomitantes, peuvent néanmoins se combiner pour renforcer la nouvelle orientation stratégique du distributeur stéphanois.
Fragilisé par une dette de 6,4 milliards d’euros, le groupe Casino a annoncé, lundi 24 avril, deux projets d’ampleur pouvant relancer son activité. Le premier concerne l’homme d’affaires Daniel Kretinsky, associé à ses alliés Jean-Charles Naouri et Marc Ladreit de Lacharrière.
Déjà deuxième actionnaire du distributeur stéphanois avec 10,6 % des parts, Daniel Kretinsky a écrit une lettre invitant Jean-Charles Naouri à étoffer le capital du Groupe. « Pour l’occasion, le milliardaire tchèque s’est associé à Marc Ladreit de Lacharrière. Ce proche de Jean-Charles Naouri détient, via sa société Fimalac, 2,6 % de Casino et un quart du capital d’Euris, le holding de tête de la cascade de véhicules financiers qui permet au PDG du distributeur stéphanois d’en contrôler le capital », précise Le Figaro.
Les deux hommes proposent au PDG d’augmenter le capital de Casino à hauteur d’1,1 milliard d’euros. L’homme d’affaires tchèque apporterait 750 millions d’euros, Marc Ladreit de Lacharrière 150 millions. Le solde restant, soit 200 millions d’euros, serait réservé en priorité aux autres actionnaires. « L’ampleur de cette augmentation de capital est colossale, rapportée à la valorisation boursière du groupe, qui était vendredi soir, de 702 millions d’euros », poursuit le journal.
« Ce mouvement est conditionné à l’accord des créanciers dits subordonnés de Casino, pour l’essentiel des fonds ayant acheté de la dette Casino à un prix déjà inférieur à sa valeur faciale. Il faut qu’ils acceptent de réduire la dette. Casino prend acte de la proposition de Kretinsky et se réserve la possibilité de demander l’entrée dans une procédure de conciliation pour obtenir leur accord », indiquent Les Echos.
Si le groupe Casino n’a pas encore pris de position officielle, l’entourage de Jean-Charles Naouri voit d’un bon œil une proposition permettant de dynamiser les activités du Groupe. Plusieurs points sont toutefois à négocier puisque Daniel Kretinsky réclame, selon le communiqué du groupe Casino, « une réduction très substantielle de la dette brute non-sécurisée du Groupe par voie de rachat en numéraire et de conversion en capital ». Une demande destinée aux détenteurs de dette obligataire pour un montant nominal de 2,2 milliards d’euros.
Afin de restructurer la dette de Casino, le Tribunal de commerce de Paris devrait faire appel à un administrateur de justice ou à un mandataire pour assurer une mission de conciliation. Cette procédure pourrait être acceptée par le Groupe, car elle est également essentielle à l’un de ses grands projets : l’alliance avec TERACT, le distributeur responsable détenu à 76 % par la coopérative agricole InVivo. « La réalisation de ces opérations nécessitant l’approbation de certains créanciers du groupe Casino, ce dernier souhaite, afin de disposer d’un cadre sécurisé de discussion, étudier la possibilité de demander la nomination de conciliateurs », explique le distributeur stéphanois. Ce dernier se montre prudent dans la mesure où la demande d’une conciliation requiert l’accord de certains créanciers. Il a jusqu’au 19 mai prochain pour les convaincre.
L’intérêt de Daniel Kretinsky pour le groupe Casino demeure un très bon signal envoyé vis-à-vis du projet de rapprochement avec TERACT. Le 9 mars dernier, les deux distributeurs ont annoncé leur souhait de créer un nouveau poids lourd de la distribution alimentaire qui nourrirait les Français « du champ à l’assiette ».
Les deux acteurs mènent actuellement des négociations visant à rapprocher leurs enseignes (Jardiland, Gamm Vert, Delbard et Boulangerie Louise côté TERACT, Monoprix, Franprix, Casino Hyper Frais et Naturalia côté groupe Casino) au sein de deux entités distinctes, l’une dédiée à la distribution (contrôlée par le groupe Casino), l’autre chargée de l’approvisionnement des points de vente en produits frais et locaux (pilotée par InVivo). En clair, il s’agit de créer un groupe verticalement intégré faisant le continuum entre la distribution et la production.
C’est là qu’intervient la deuxième grande annonce du 24 avril. Il pourrait finalement s’agir d’un « mariage à trois », puisque le groupement des Mousquetaires (Intermarché, Netto, Agromousquetaires…) entend bien devenir actionnaire de l’entité de distribution, contre un investissement de 100 millions d’euros. Le groupe n’apportera toutefois pas de magasins. Les actionnaires de TERACT sont quant à eux disposés à investir 200 millions d’euros supplémentaires.
« Casino a des discussions en cours avec d’autres investisseurs potentiels pour venir compléter le tour de table confirmant l’objectif de lever un montant total de 500 millions d’euros de fonds propres afin de doter ce nouvel ensemble de moyens financiers complémentaires pour mettre en œuvre son plan stratégique ambitieux », affirme dans un communiqué le Groupe de Jean-Charles Naouri.
Les Mousquetaires et le groupe Casino devraient également élargir leurs partenariats aux achats. Ils envisagent de prolonger leurs centrales Auxo (Achats alimentaires, Achats Non Alimentaires Achats Non Marchands) jusqu’en 2028. Ces dernières travailleront pour le nouvel ensemble Casino-TERACT. Une quatrième cellule d’achat spécifique aux marques distributeurs pourrait également être créée. Le groupe Casino et Intermarché comptent également lancer un appel d’offres en commun.
Si ce mariage à trois se concrétise, le groupe Casino et TERACT pourront s’approvisionner via l’armement de pêche (22 navires) et les abattoirs (56 usines agroalimentaires) des Agromousquetaires. Les Mousquetaires profiteront quant à eux de l’expertise en produits frais et locaux de TERACT Ferme France, la centrale d’achat que lancera InVivo.
« Avant d’être un sujet financier, l’alliance avec Casino et Intermarché est un projet industriel. Avec Casino et Intermarché d’un côté, TERACT de l’autre, nous allons pouvoir intégrer verticalement la chaîne de l’alimentation des Français et devenir la plus grande coopérative, un leader de la distribution et donner une nouvelle dimension à la distribution française. Cet accord doit améliorer notre souveraineté. Avec cette intégration verticale, on va renforcer notre agriculture. On va aussi contrôler la qualité sur toute la chaîne en limitant les gaspillages, en étant au plus près du terrain, des fournisseurs, des produits … », assure le directeur général de TERACT Moez-Alexandre Zouari.
D’ici trois ans, Les Mousquetaires devraient racheter une centaine de magasins Casino et les convertir en Intermarché (essentiellement des supermarchés, des hypermarchés et des magasins Franprix). Le groupe Casino compte bien cependant préserver ses positions de force en région parisienne, dans le couloir rhodanien et dans le Sud-Est, dans la continuité de la stratégie d’implantation territoriale de Jean-Charles Naouri. Il pourrait en revanche quitter la Bretagne. Ces ventes pourraient lui rapporter plus de 300 millions d’euros, soit 30 % de son chiffre d’affaires actuel.
Avec Les Mousquetaires d’un côté, et Kretinsky de l’autre, le groupe Casino à des cartes en main pour accélérer son désendettement. Soulignons toutefois qu’aucun projet n’est pour le moment officialisé.