Affaire Leonarda : le point sur la polémique autour de Manuel Valls
Leonarda est une jeune kosovare qui a été expulsée du territoire le 9 octobre. Mais sa reconduite aux frontières fait polémique.
Le 9 octobre 2014, Leonarda, un collégienne de 15 ans a été interpellée par la police aux frontières (PAF) dans le Doubs, alors qu’elle se trouvait en sortie scolaire avec sa classe de 3ème. Les gendarmes avaient arrêté le reste de sa famille dans la matinée. Une enseignante de l’adolescente a raconté l’interpellation de Leonarda à Mediapart : un agent de la PAF lui a demandé par téléphone d’arrêter le bus car Leonarda « devait retrouver sa famille pour être expulsée avec sa maman et ses frères et sœurs ! Je lui ai dit qu’il ne pouvait pas me demander une telle chose car je trouvais ça totalement inhumain… ». Mais l’enseignante n’a pas le choix, elle fait donc arrêter le bus et emmène Leonarda à part pour lui expliquer la situation avant que les forces de l’ordre n’arrivent. « Mes collègues ont ensuite expliqué la situation à certains élèves qui croyaient que Léonarda avait volé ou commis un délit. Les élèves et les professeurs ont été extrêmement choqués. »
Le père de Leonarda était dans un centre de rétention à Strasbourg depuis le mois d’août pour avoir manqué à son assignation à résidence. Il a été expulsé vers le Kosovo le 8 octobre et dès le lendemain, c’est le reste de sa famille qui a fait l’objet de la même procédure. La famille de Leonarda est arrivée illégalement en France le 26 janvier 2009. Leur demande de régulation n’a pas abouti.
Jean-Luc Mélenchon fait naître une polémique
Dans l’après-midi du mardi 15 octobre, Jean-Luc Mélenchon, le co-président du Front de Gauche s’est exprimé dans un communiqué « Manuel Valls a beau jeu de décréter que les Roms ne veulent pas s’intégrer, alors même qu’il les pourchasse jusque dans les écoles ». Depuis, le ministre de l’Intérieur est vivement contesté, même parmi les rangs du Parti Socialiste. « Aller chercher une enfant dans le cadre scolaire, ce n’est pas une expulsion, c’est une rafle ! », s’est exprimé Bernard Roman. « Faire descendre d’un bus par les forces de l’ordre une élève devant l’ensemble de ses camarades de classe est insupportable et inacceptable », déclare David Assouline, porte-parole du PS. « Son expulsion est à la fois immorale et stupide. Immorale car elle allait avoir son titre de séjour dans deux mois. Stupide car c’est de l’argent jeté par les fenêtres. Depuis quatre ans, l’Education nationale la formait à devenir une citoyenne française », estime Pouria Amirshahi, député PS.
Dans un 1er temps, Manuel Valls s’est exprimé mardi soir. Selon lui, cette expulsion s’est effectuée dans le « respect du droit » et qu’a été appliqué « avec fermeté les décisions d’éloignement tout en veillant scrupuleusement au respect des droits des étrangers ». Mais mercredi, il a annoncé qu’une « enquête administrative » allait être ouverte.
Face à cette polémique, Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre a été contraint d’intervenir. Il a annoncé devant l’Assemblée nationale que si une faute avait été commise dans la procédure d’expulsion de la famille, « l’arrêté de reconduite à la frontière sera annulé. Cette famille reviendra pour que sa situation soit réexaminée en fonction de notre droit, de nos pratiques et de nos valeurs ».
Les résultats de l’enquête devraient être connus sous 48h.
Des lycées parisiens bloqués ce jeudi
Ce jeudi matin, 4 lycées de Paris étaient bloqués ce matin. Steven Nassiri, porte-parole du syndicat lycéen FIDL a expliqué que cette démarche a pour but de « se mobiliser pour le retour des lycéens expulsés ». « C’est inadmissible que sous un gouvernement de gauche on doive montrer ses papiers pour entrer au lycée. Tout le monde a le droit à une éducation. »
Les lycéens demandent donc le retour de Leonarda et celui de Khatchik Kachatryan, un lycéen arménien expulsé samedi.
Leonarda s’est exprimée
Leonarda et sa famille sont arrivés à Mitrovica au Kosovo le 9 octobre au soir. La jeune fille raconte : « Maintenant, avec ma famille, je dors sur un banc. (…) Je n’ai même pas le droit d’aller à l’école parce que je suis rom. » Elle a également fait le récit de son expulsion : « à 7h30, j’ai eu un appel, c’est l’ancien maire de Levier qui m’a appelée, il m’a demandé où j’étais. J’ai amené le téléphone à la prof, il a parlé avec elle, je suis descendue du bus avec la prof, j’étais dans les bras de la prof en train de pleurer. (…) J’avais honte, parce que la police est venue devant mes camarades. Ils me disaient “qu’est-ce que tu as fait, tu as volé?“ »
A présent, tout ce que veut Leonarda « c’est recommencer mes cours pour avoir un avenir. Le truc le plus important, c’est l’école. » « Ici, on ne parle pas la langue et on ne connait personne ». « Mon pays, c’est la France » a-t-elle expliqué au micro de RTL.