Explosion du trafic de faux médicaments en ligne : un marché illégal plus lucratif que la drogue

Image d'illustration. Étagères de laboratoire avec médicamentsADN
La vente de médicaments falsifiés sur internet connaît une croissance alarmante. Ce marché illicite, désormais plus lucratif que le trafic de stupéfiants, expose les consommateurs à de graves risques sanitaires tout en échappant largement aux contrôles.
Tl;dr
- Marché des médicaments illicites amplifié par l’e-commerce.
- Menace majeure pour la santé publique mondiale.
- Antidiabétiques, traitements du cancer et psychotropes ciblés.
Une menace mondialisée en pleine expansion
L’essor fulgurant du commerce électronique a bouleversé les circuits d’approvisionnement en médicaments. Désormais, une multitude de plateformes non réglementées pullulent sur Internet, ouvrant la porte à un marché mondial des médicaments illicites. Ce phénomène concerne toutes les régions du globe et aucun domaine thérapeutique n’y échappe, comme le souligne Meriem Bourahla-Loudiyi, responsable du groupe anticontrefaçon à la fédération européenne des industries pharmaceutiques (Efpia). Les réseaux de distribution officiels se voient ainsi contournés, facilitant une circulation massive de produits qui menacent la sécurité des patients et ébranlent l’économie légale.
Médicaments falsifiés : définition et méthodes
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), un médicament falsifié est défini comme un produit dont l’identité, la composition ou la provenance sont intentionnellement dénaturées. Parfois, ils renferment les bons principes actifs, mais dans des proportions incorrectes ; d’autres fois, aucune substance active ou même des excipients inadaptés n’y figurent. Il arrive également que de véritables médicaments soient sortis illégalement du circuit légal pour être revendus en ligne ou via de fausses ordonnances. À ce sujet, le syndicat des entreprises du médicament (Leem) rappelle : « À partir de ce moment-là, on parle de médicament falsifié et détourné ». On constate aussi le reconditionnement de produits périmés ou encore leur utilisation dévoyée pour le dopage ou comme psychotropes.
Santé publique en danger, économie fragilisée
Le péril sanitaire est manifeste : ces produits peuvent contenir des substances toxiques ou inefficaces et exposent à un risque accru de pharmacorésistance — notamment dans le cas d’antimicrobiens. La vigilance reste donc cruciale, car les conséquences s’avèrent dramatiques : en 2022 et 2023, trois cents enfants ont perdu la vie après avoir absorbé des sirops pédiatriques frelatés contenant de l’antigel, vendus en toute illégalité en Gambie, Ouzbékistan et Indonésie. L’OMS avait alors vivement réagi à ce scandale mondial.
Les experts pointent aussi une évolution sociétale préoccupante : le développement d’une « culture de l’automédication » favorisée par la complexité croissante de l’accès aux soins conventionnels. Selon le laboratoire français Servier, « les patients sont désormais séduits par l’achat sans ordonnance sur Internet ».
Cibles privilégiées et actions internationales
La criminalité s’adapte sans relâche aux évolutions du marché : si les traitements contre la dysfonction érectile — à l’image du Viagra — ont longtemps constitué une cible privilégiée, depuis 2023 les antidiabétiques et anti-obésité (dont ceux à base de sémaglutide, commercialisés sous les marques Ozempic et Wegovy) sont massivement visés. Viennent ensuite :
- Traitements oncologiques
- Médicaments pour maladies chroniques ou psychotropes/anxiolytiques
- Médicaments génito-urinaires et du système nerveux central
Sur le plan répressif, l’opération « Pangea XVII » pilotée par Interpol, entre décembre 2024 et mai 2025 dans quatre-vingt-dix pays, a permis la saisie record de plus de cinquante millions de doses illicites pour une valeur estimée à cinquante-six millions d’euros — tout cela avec près de huit cents arrestations. Toutefois, selon plusieurs spécialistes interrogés, les sanctions restent souvent plus légères que celles appliquées au trafic classique de stupéfiants.
Difficile donc d’imaginer aujourd’hui une solution miracle tant que l’appétit pour ces faux remèdes ne faiblira pas — et que l’accès aux soins restera perçu comme complexe.