Des abeilles momifiées depuis 3 000 ans retrouvées au Portugal

abeille momifiéeCarlos Neto de Carvalho
Des abeilles momifiées depuis 3 000 ans retrouvées au Portugal. Une découverte d'une qualité exceptionnelle qui pourrait être très utile aujourd'hui.
Il y a 2 975 ans, le pharaon Siamon de la XXIᵉ dynastie égyptienne règne sur la Basse-Égypte, en Chine, la troisième dynastie chinoise Zhou s’éteint, le roi Salomon doit succéder à David dans l’ancien royaume d’Israël et sur le territoire du Portugal actuel, les populations quittent l’âge du bronze pour entrer dans celui du fer. Et dans le même temps, sur la côte sud-ouest du pays, aux alentours de la ville actuelle d’Odemira, une fossilisation des plus rares est en cours : des sarcophages de jeunes abeilles sont en train de se former. Aujourd’hui, ce sont des fossiles d’Eucera dans un “degré de conservation [exceptionnel]” qui se retrouvent entre les mains des scientifiques.
Des abeilles momifiées depuis 3 000 ans retrouvées au Portugal
Comme l’explique Andrea Baucon, paléontologue à l’Université de Sienne (Italie) et coauteure de l’étude, “la vérité est que la fossilisation de son utilisateur [l’abeille elle-même] est pratiquement inexistante”, la faute à la composition des squelettes et téguments (enveloppes protectrices) en chitine, une substance organique, qui les décomposent très rapidement.
Imaginez donc la surprise des chercheurs sur ce site paléontologique lorsqu’ils ont découvert ces fossiles de couvains d’abeilles, parfois plusieurs milliers sur un mètre carré. Avec un tel degré de préservation qu’ils ont même parfois identifié le pollen monofloral laissé par la reine qui sert de nourriture à la larve dans les premiers instants de sa vie.
Grâce à la tomodensitométrie, les scientifiques ont pu obtenir une image tridimensionnelle parfaite de l’intérieur de ces “sarcophages” vieux de quelque 3 000 ans d’après une datation au carbone 14. “Nous avons pu identifier non seulement les détails anatomiques qui déterminent le type d’abeille [il s’agit de l’une des quelque 700 espèces toujours présentes au Portugal continental, ndlr], mais aussi son sexe et même la réserve de pollen monofloral laissée par la mère lorsqu’elle a construit le cocon”, précise Carlos Neto de Carvalho, chercheur collaborateur à l’Institut Dom Luiz de la Faculté des sciences de l’Université de Lisbonne (Ciências ULisboa, Portugal) et coauteur de l’étude.
Une découverte d’une qualité exceptionnelle qui pourrait être très utile aujourd’hui
Comprendre les raisons qui ont entraîné la mort et la momification de ces insectes il y a 3 000 ans pourrait “aider à comprendre et établir des stratégies de résilience face au changement climatique” actuel et, qui sait, peut-être endiguer la diminution significative des populations de ces pollinisateurs.
En ce qui concerne ces abeilles portugaises, il est probable qu’elles aient vécu dans un environnement très dur, avec des hivers bien plus froids et pluvieux que ceux d’aujourd’hui. “Une forte diminution de la température nocturne à la fin de l’hiver ou une inondation prolongée de la zone en dehors de la saison des pluies aurait pu entraîner la mort, par froid ou par asphyxie, et la momification de centaines de ces petites abeilles.” Et c’est aujourd’hui une formidable nouvelle source de connaissance.