Même les babouins peuvent apprendre l’orthographe
De jeunes babouins ont montré qu'ils étaient capables de faire la différence entre des mots correctement orthographiés et des mots inventés
Pour une fois, il s’agit d’une étude française : cinq chercheurs marseillais ont réussi à démontrer que pour être bon en orthographe, pas besoin de savoir lire ou écrire. En effet, les babouins qu’ils ont élevés pendant 3 ans sont capables de différencier un vrai mot d’un mot inventé. En fait, les singes ne « lisent » pas vraiment, ils sont capables d’identifier les lettres et leur agencement. Ainsi, pas besoin de savoir parler pour connaître son orthographe.
Pour faire cette découverte, les chercheurs français ont mis au point un système basé sur le volontariat. Si les babouins peuvent vivre leur vie de singe tranquillement dans leur bel enclos de 750 mètres carrés, ils peuvent aussi se rendre dans un des deux espaces réservés à l’expérience. Là-bas, tout est hautement high-tech : dix écrans tactiles sont à disposition. Lorsque le singe arrive en face de l’un d’eux, il peut mettre ses pattes dans les ouvertures prévues à cet effet et commencer l’exercice. Comme à l’école maternelle, une bonne réponse donne droit à une récompense : des graines de céréale. De plus, chaque singe est identifié grâce à une puce électronique implantée dans sa patte. Facile de savoir quel est le meilleur élève et d’adapter l’exercice en fonction de ses capacités.
Les singes, experts en orthographe ?
Grâce à ce système, les singes les plus doués ont pu « retenir » jusqu’à 300 mots de quatre lettres et 80 mots pour les moins doués. Ils peuvent même reconnaître la bonne orthographe des mots qu’ils voient pour la première fois. Les chercheurs pensent que les singes sont capables d’analyser les assemblages qu’on retrouve le plus souvent dans les mots, par instinct, ils jugeraient donc qu’un mot fait de syllabes qui reviennent fréquemment et donc un mot correctement orthographié. Au niveau de l’orthographe, les singes sont aussi bons que les hommes. Lorsqu’un mot mal écrit est proche d’un mot connu ( chot pour chat par exemple), hommes et babouins font le même pourcentage d’erreur en le définissant comme un vrai mot.
Singes et hommes associent les phrases de la même façon
Cette expérience permet également de mieux déterminer le processus cognitif de l’être humain, c’est à dire de quelle façon il raisonne, il apprend…
Joêl Fagot, concepteur du dispositif et primatologue, a mis en avant le fait que les singes appréhendaient les phrases de la même façon que les humains. En effet, hommes et singes utilisent un système de récursivité. Ils sont tous les deux capables d’associer deux phrases pour n’en faire qu’une seule. Arnaud Grey, spécialiste du langage, explique le processus : « Nous avons appris aux babouins à considérer six paires de symboles – en l’occurrence des lettres grecques – comme des mini-phrases, reprend Joël Fagot. Ils devaient comprendre que dans chaque paire, l’ordre des symboles est essentiel, puisque le premier représente en quelque sorte le sujet et le deuxième le verbe. Ensuite, nous leur avons appris à emboîter deux mini-phrases comme nous le ferions pour que cela soit compréhensible dans notre langage. Nous avons constaté que les babouins assemblaient les phrases comme nous ».
Nos cousins simiesques sont encore loin d’être capables de rédiger un roman, mais cette étude montre qu’ils sont tout de même plus intelligents que ce qu’on imaginait.