Tunisie : Amnesty International s’inquiète des dérives de l’état d’urgence
En ce jour, l'ONGI Amnesty International dénonce l'"inquiétant retour en arrière" observé en Tunisie depuis le rétablissement de l'état d'urgence en novembre 2015.
Le 24 novembre 2015, un bus de la garde présidentielle de Tunisie était visé par un attentat terroriste qui aura fait plusieurs dizaines de morts et de blessés. Une attaque revendiquée par Daesh et qui aura notamment conduit au rétablissement de l’état d’urgence au sein du pays.
Censé garantir aux Tunisiens une sécurité renforcée, cet état a cependant donné lieu à des dérives dénoncées en ce jour par Amnesty International : « Le recours par les forces de sécurité tunisiennes aux méthodes brutales du passé, notamment la torture, les arrestations arbitraires, les détentions et la restriction des déplacements des suspects, ainsi que le harcèlement de leurs proches, menace l’avancée de la Tunisie sur la voie de la réforme. Ces abus risquent de mettre en péril les avancées obtenues depuis six ans. »
Amnesty International : de nouvelles violences sexuelles en Tunisie
L’ONGI rapporte le chiffre de plusieurs milliers d’arrestations observées depuis le rétablissement de l’état d’urgence, dont au moins 19 arbitraires. Et d’ajouter à ce sujet que « certains membres des familles sont également en butte à des mesures d’intimidation, à des arrestations arbitraires, à des actes de torture ou autres mauvais traitements en détention, dans le but de les contraindre à donner des informations sur leurs proches soupçonnés de participation à des attaques armées. Plus d’une dizaine de personnes ont déclaré avoir ressenti un tel choc qu’elles ont dû recevoir des soins médicaux; certaines ont affirmé que le harcèlement constant les avait conduites au bord du suicide. »
Un nouveau rapport d’Amnesty International mentionne deux cas de violences sexuelles dont l’un rappelle fortement l’affaire Théo connue en France. « Ahmed » a ainsi raconté qu’après que les forces de sécurité ont débarqué chez lui, frappé sa compagne enceinte et arrêté deux de ses frères, il a lui-même été interpellé et violé à l’aide d’un bâton au poste de police.
Pour des droits maintenus « même durant l’état d’urgence »
Les excès dénoncés concernent également la liberté de déplacement : « Au moins 5.000 personnes se sont vu interdire de voyager, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, et au moins 138 personnes ont fait l’objet d’ordres d’assignation à résidence, restreignant leurs déplacements à des zones désignées. » Des interdictions décidées pour empêcher des Tunisiens « de rejoindre les groupes armés actifs au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et [pour] surveiller les déplacements de ceux qui sont rentrés de zones de conflit ».
Amnesty International conclut en appelant au respect de droits que l’état d’urgence ne saurait réprimer : « Au titre de l’état d’urgence, les autorités tunisiennes peuvent suspendre temporairement certains droits, mais la durée prolongée de l’état d’urgence ces dernières années et les nombreux abus dans l’application des mesures de sécurité amènent à s’interroger sur le caractère proportionné de ces mesures et sur leur conformité aux obligations internationales de la Tunisie. Certains droits, tels que l’interdiction de la torture, ne peuvent être suspendus en aucune circonstance, même durant l’état d’urgence. »