La France et le Maroc rétablissent leur coopération judiciaire et anti-jihadiste
La France et le Maroc ont tiré un trait samedi sur près d'un an de brouille diplomatique, en rétablissant leur coopération judiciaire.
La France et le Maroc ont décidé samedi de « tourner la page » de près d’un an de brouille diplomatique, en rétablissant leur coopération judiciaire et anti-jihadiste, un réchauffement que le président François Hollande et le roi Mohammed VI pourraient concrétiser dès ce week-end par une rencontre à Paris.
La ministre française de la Justice, Christiane Taubira, et son homologue marocain, Mustapha Ramid, qui s’est déplacé à Paris, ont trouvé un accord permettant le rétablissement « immédiat » de leur coopération judiciaire, principale victime de cette brouille bilatérale, selon un communiqué commun.
Le Maroc avait suspendu fin février 2014 cette coopération avec la France à la suite d’une crise bilatérale inédite provoquée par un dépôt de plaintes en France contre de hauts dignitaires marocains, suivi d’une série d’incidents et d’impairs diplomatiques.
Des liens très étroits
La coopération sécuritaire entre les deux pays, qui ont traditionnellement des liens très étroits et échangent des informations sur les extrémistes jihadistes, avait également été affectée.
Vendredi, avant même l’annonce de ce rapprochement, une source diplomatique avait indiqué à l’AFP que François Hollande était « disponible » pour une rencontre avec le roi du Maroc, qui selon la presse marocaine, se trouve ce week-end à Paris.
Selon plusieurs médias marocains, le roi a en effet quitté le Maroc pour la France tard vendredi soir, dans le cadre d’une visite privée, mais qui pourrait donner lieu à un entretien avec M. Hollande.
Contrairement à ses habitudes, Mohammed VI ne s’était pas rendu en France depuis de nombreux mois, et ce séjour, même privé, est en soi le signe d’un réchauffement bilatéral, selon les commentateurs marocains.
Retour des magistrats
Les ministres de la Justice des deux pays, qui se sont rencontrés les 29 et 30 janvier à Paris, ont trouvé un « accord sur un texte amendant la convention d’entraide judiciaire franco-marocaine permettant de favoriser, durablement, une coopération plus efficace entre les autorités judiciaires des deux pays et de renforcer les échanges d’informations », selon le texte.
« Cet amendement très important, qui vient couronner des discussions entamées depuis plusieurs mois par les gouvernements des deux pays, a été paraphé par les deux ministres le 31 janvier », est-il ajouté dans le communiqué.
Les deux ministres « ont décidé du rétablissement immédiat de la coopération judiciaire et juridique entre la France et le Maroc ainsi que du retour des magistrats de liaison », conclut le texte.
Le Premier ministre français Manuel Valls avait souhaité mercredi que la France et le Maroc « dépassent » leurs différends, « fondés sur de nombreuses incompréhensions ».
La France est le premier partenaire économique du royaume, où vivent entre 60.000 et 80.000 Français tandis que plus de 1,3 million de Marocains résident en France.
Rapprochement franco-algérien
Toute la coopération judiciaire avec le Maroc était suspendue, avec des répercussions au niveau civil pour les dizaines de milliers de Franco-Marocains, et au niveau pénal pour toutes les procédures judiciaires entre la France et son ancien protectorat.
Et la coopération sécuritaire, cruciale entre les deux pays qui ont chacun des centaines, voire des milliers de ressortissants tentés par le jihadisme ou enrôlés au sein du groupe Etat islamique (EI), souffrait également de cette querelle, selon des sources à Paris et à Rabat.
La brouille avait été déclenchée le 20 février 2014 par une descente de police à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris, pour notifier une demande d’audition de la justice française au patron du contre-espionnage Abdellatif Hammouchi, accusé de torture par des opposants marocains.
Elle s’était envenimée avec d’autres dépôts de plainte en France, ainsi qu’une série d’impairs diplomatiques, dont une fouille policière inopinée du chef de la diplomatie marocaine Salaheddine Mezouar à l’aéroport parisien de Roissy en mars, ou une saillie ironique contre le Maroc prêtée à un diplomate français à propos du Sahara occidental, cause sacrée dans le royaume.
Même si Paris continue à soutenir Rabat sur cette question, le Maroc voit d’un très mauvais oeil le rapprochement franco-algérien opéré par François Hollande. Grand rival du royaume, Alger soutient le Polisario, qui réclame l’indépendance du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole majoritairement contrôlée par le Maroc.