Kony 2012 devient la vidéo la plus virale de tous les temps
Avec plus de 100 millions de vues en six jours, Kony 2012, a atteint le sommet des vidéos ayant bénéficié du meilleure démarrage de l'histoire du web selon Visible Measures.
La plateforme spécialisée dans l’analyse des statistiques liées aux vidéos en ligne annonce que la campagne Kony a généré 112 millions de vues au total. La vidéo a été rendue accessible au travers de 750 clips circulant sur le web et a fait l’objet de versions sous-titrées en français, espagnol, italien, ou chinois. Plus de 860.000 commentaires accompagnant les différentes versions diffusées ont été recensés.
Ce moyen métrage de 30 minutes réalisé par trois anciens camarades de classe vise à dénoncer les exactions du leader rebelle Joseph Kony qui sévissait en Ouganda. Une action de sensibilisation qui s’inscrit dans une campagne menée par l’association Invisible Children. Kony est un criminel de guerre faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international déposé par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crime contre l’humanité.
Le 7 mars la vidéo Kony 2012 était en trending topic des sujets les plus commentés sur Twitter. Une mobilisation d’autant plus étonnante que Twitter nous habitue à des sujets nettement plus légers bien loin des préoccupations géopolitiques ou du sort des populations déchirées par des guerres civiles. Sur Facebook, l’association a réuni trois millions de fans en un temps exceptionnel de moins de 2 semaines, comme en témoigne la courbe affolante de ses statistiques reproduites ci-dessous.
Des soutiens de tailles ont relayé la vidéo pour lui faire bénéficier d’effets de levier considérables : Justin Bieber, Rihanna ou encore P.Diddy.
Dear Joseph Kony, I’m Gonna help Make you FAMOUS!!!! We will stop YOU #StopKONY ! All 6,OOO,OOO of my followers RT NOW!!! Pls!
— iamdiddy (@iamdiddy) Mars 7, 2012
Kony et trois autres dirigeants rebelles de l’Armée de résistance du seigneur (LRA) échappent à leur tentative d’arrestation par Interpol depuis 2005. Ils sont notamment poursuivis pour crimes de guerres, assassinats, enrôlements forcés de mineurs de moins de 15 ans, esclavage sexuel et viols. Le leader de la LRA a quitté l’Ouganda depuis 2006 et par conséquent n’y commet plus de crime actuellement en restant dissimulé dans une zone transfrontalière entre Centrafrique, Congo et Soudan du Sud.
Une campagne de sensibilisation de l’opinion publique internationale aux crimes atroces commis par Kony apparait comme une initiative salutaire. Cependant certains observateurs alarmistes attirent l’attention des internautes sur le manque de transparence des responsables d’Invisible Children qui seraient trop proches de l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) pour ne pas vouloir agir dans l’intérêt du gouvernement ougandais. Surtout il leur est reproché l’opacité de leur gestion des fonds récoltés par la campagne. L’association s’en défend en faisant paraitre publiquement la répartition de ses fonds sur son site. Une interrogation subsiste concernant un pourcentage important de dons reçus qui ne seraient pas utilisés directement sur le terrain mais dans d’autres actions moins traçables telles que des opérations de communication. Cependant Invisible Children martèle que leur action tend à rendre le monde plus conscient des agissement de la LRA par la réalisation de films documentaires, des tournées internationales mais aussi des programmes d’action sur le terrain dans les zones touchées par la LRA pour leur offrir “protection, réhabilitation et aide au développement“.
Devant l’indignation populaire suscitée par les souffrances que relayent cette vidéo, Amnesty International en appelle au respect des droits de l’homme. L’ONG salue la mise en lumière de crimes atroces commis par la LRA mais reste persuadée que “les efforts d’arrestation de Joseph Kony doivent être menés par les gouvernements des pays dans les régions où opèrent la LRA et non pas par les forces armées américaines“. L’Armée de résistance du Seigneur figure actuellement sur la liste officielle des organisations terroristes des États-Unis et il y a quelques mois, Barack Obama a décidé l’envoi d’une centaine de soldats des forces spéciales en Afrique centrale «pour aider les forces de la région œuvrant à faire quitter le champ de bataille à Joseph Kony». Par ailleurs, Amnesty International se dit préoccupée par le sort des victimes de ces exactions qui doivent être soutenues dans l’effort de paix et que la “mort d’un des hommes accusés serait un déni de justice pour les victimes de la LRA”.
Kony 2012 marque avec éclat l’histoire des campagnes de communication à travers les médias sociaux en érigeant un conflit isolé, hors des préoccupations des “citoyens du monde”, en une mobilisation virale sans précédent. Cependant ce buzz salutaire semble nécessiter une analyse approfondie pour ne pas verser dans l’indignation au clic sans s’assurer dans le fond que le soutien apporté à Invisible Children, plutôt qu’à une autre ONG, soit le meilleur effort à engager pour le soutien des populations locales.