Burundi : retour sur une tentative de coup d’Etat
Après 36 heures d'incertitude quant au sort de ce petit pays de la région des Grands Lacs, retour sur les événements qui ont fait vaciller le Burundi, dirigé d'une main de fer par Pierre Nkurunziza.
Vendredi 17 avril, en périphérie de la capitale du Burundi, Bujumbura. En colère, des centaines de manifestants tentent de regagner le centre-ville. Ils protestent contre une éventuelle candidature à un troisième mandat du Président actuel Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2004, la jugeant anti-constitutionnelle. Les protestataires sont repoussés par les forces de l’ordre à coups de gaz lacrymogènes, canons à eau, et tirs de sommation. Les manifestations virent alors à l’affrontement, environ 100 personnes sont arrêtées, et inculpées dès le lendemain.
Samedi 25 avril, le congrès du CNDD-FDD, parti au pouvoir, désigne Pierre Nkurunziza comme candidat à sa propre succession. Dès l’annonce de cette candidature officielle, la tension monte dans la capitale. D’autant que tout le monde ignore alors si l’opposition sera autorisée à présenter des candidats lors des présidentielles prévues le 26 juin, et s’ils décideront eux-mêmes de participer au scrutins.Dès le lendemain, les manifestations anti-Nkurunziza reprennent, entrainant la mort de deux personnes.
Des manifestations aux affrontements au Burundi
Lundi 4 mai. Après un week-end de trêve, les protestations reprennent de plus belle. Les manifestants, parviennent, malgré la répression des forces de l’ordre, à regagner le centre-ville de la capitale. Dans le même temps, les pro-Nkurunziza rejoignent également la rue pour manifester “pacifiquement” leur soutien au président. Dans les jours qui suivent, la situation se tend davantage : loin de n’être que de simples “soutiens” au président en exercice, de nombreux jeunes appartiennent en fait à sa milice secrète : les Imbonerakure. S’en suit une véritable chasse à l’homme entre les manifestants des deux clans, machette à la main, sans crainte de devoir faire couler le sang.
Samedi 9 mai, alors que les protestations se poursuivent, et que les manifestants n’hésitent plus à se retrancher derrière des barricades, les autorités exigent cesse “immédiatement et sans condition aucune, le mouvement d’insurrection” . Elles ordonnent également aux forces de l’ordre de “libérer les voies de communication” sous 48 heures, à Bujumbura et dans le reste du pays.
Une tentative de coup d’Etat…
Mercredi 13 mai. Un Général putschiste annonce, sur une radio privée, que le Président Nkurunziza est destitué. Ce dernier, en voyage en Tanzanie, est victime d’une tentative de coup d’Etat. Le Général Nyombare, limogé en février par le chef de l’Etat après lui avoir déconseillé de briguer un troisième mandat, tente de profiter de cette absence pour récupérer le pouvoir. Le pays plonge alors dans l’incertitude la plus totale. Les frontières terrestres et aériennes sont fermées.
Jeudi 14 mai. Au lendemain de la tentative de coup d’Etat, c’est la confusion. Alors que le chef d’Etat major burundais a annoncé l’échec du putsch, les putschistes, eux, affirment leur réussite. S’en suivent de violents combats entre forces loyalistes et putschistes, afin de prendre le contrôle des principaux médias du pays. Il est alors impossible de savoir qui détient le pouvoir.
… Qui échoue en un peu plus de 24 heures
Vendredi 15 mai… Tout est terminé. La tentative de coup d’Etat s’avère être un échec, et les putschistes déposent les armes. Ces derniers sont arrêtés, peu de temps après avoir confirmé qu’ils se rendaient, déclarant à l’AFP qu’ils espéraient “ne pas être tués”. La majorité des militaires, acquis au pouvoir Nkurunziza, est parvenue à faire flancher les insurgés, qui avouent avoir sous estimé leur loyauté.
Dimanche 17 mai. Rentré au Burundi depuis le jeudi 14 selon la présidence, Pierre Nkurunziza fait sa première apparition publique depuis la tentative de coup d’Etat à son encontre. Souriant, l’homme n’a pourtant pas abordé les récents événements survenus dans son pays. La veille, il avait remercié les militaires qui l’ont soutenu et qui ont défendu son pouvoir. La commission électorale nationale indépendante (CENI) devrait quant à elle décider si les conditions sont réunies pour assurer un bon déroulement des différents scrutins à venir. Un report des législatives, prévues à la fin du mois, ainsi qu’éventuellement des présidentielles le mois prochain est envisageable.
Lundi 18 mai. Loin d’être apaisé après la tentative de coup d’Etat de la semaine passée, le Burundi est encore aujourd’hui plongé dans l’incertitude. Alors que des milliers de personnes ont pris la fuite lors des combats opposants loyalistes et putschistes, la peur règne aujourd’hui dans la population. Les opposants au Président Nkurunziza, eux, ne s’avouent pas vaincus. Plusieurs appels à manifester sont aujourd’hui partiellement suivis dans la capitale, où de timides rassemblements ont lieu depuis ce matin. “On a parlé aux militaires, ils nous ont dit que si on devait manifester aujourd’hui, il fallait le faire calmement”, explique un manifestant.