“Un homme charmant” : “un film de fantômes” pour son réalisateur
À l'occasion de la sortie au cinéma d'"Un homme charmant", son réalisateur Ariel Rotter se confie à la fois sur le fond et la forme de son œuvre, un deuil traité en noir et blanc.
Dans les années 60, Luisa (Erica Rivas) apprend un soir que son mari n’est plus, fauché dans une apparente collision frontale avec un camion. Cette mère de famille se voit inciter à refaire sa vie, et Ernesto (Marcelo Subiotto) va se présenter à elle comme un candidat au moins apte à apporter une stabilité familiale à ses filles.
Ce comptable et collectionneur d’arts se montre cependant bien trop entreprenant aux yeux de Luisa dont le deuil ne semble pas prêt à prendre fin. L’histoire de ces deux personnages est dépeinte depuis aujourd’hui dans les salles obscures, au sein d’une romance en noir et blanc intitulée Un homme charmant.
Ariel Rotter : “Un homme charmant” pensé en noir et blanc
À cette occasion, son réalisateur Ariel Rotter a notamment expliqué à nos confrères d’AlloCiné le pourquoi de ce traitement de l’image : “On a tendance à croire que le réalisateur décide de tous les aspects d’un film. Personnellement, je pense l’inverse : tous ceux qui participent à la création d’un film sont ‘esclaves’ de celui-ci. Je vais essayer d’être plus clair : c’est comme si le film, d’une certaine façon, existait déjà. Dans notre ressenti, dans notre imagination, dans notre cœur.
Dès lors, notre travail consiste à matérialiser tous ces éléments induits par le projet, et de les traduire concrètement à l’image à travers des scènes qui, une fois mises bout à bout, donneront un film. Cela s’applique à l’esthétique d’un film. Pour le traitement visuel, j’avais déjà en tête que ce serait ainsi, en racontant leur passé à travers une série d’histoires et de photos en noir et blanc.”
Erica Rivas, entre calme et anxiété ?
Pour le réalisateur argentin, le personnage incarné à l’écran par Marcelo Subiotto offre au spectateur un sentiment propre à lui-même et dérangeant : “Je crois que ce malaise repose sur le fait que son comportement [NDLR : celui d’Ernesto] est toujours bien intentionné. De son point de vue, il fait ce qui est le mieux pour tout le monde. Le seul problème, c’est qu’il ne prend pas en compte le souhait de l’autre… Dès lors, son énergie et son engagement deviennent écrasants. Le spectateur ressent que quelque chose ne va pas, mais Luisa n’a pas cette lucidité. Le spectateur est donc le seul à encaisser le malaise, renforcé par le fait que Luisa ne réagisse pas.”
Et Ariel Rotter de laisser entendre qu’Un homme charmant n’aurait probablement pas vu le jour sans son interprète féminine principale : “J’ai écrit le scénario avec Erica Rivas en tête. C’est une actrice qui m’a toujours touché. Elle semble être constamment dans un état un peu ‘désaxé’, un mélange permanent de calme et d’anxiété. Erica a une tendance naturelle à faire ressortir ses émotions, et ce film lui a permis d’aborder un registre à l’opposé. C’était difficile pour elle comme pour moi de retranscrire à travers son calme apparent la complexité de son état intérieur. J’ai travaillé avec elle en amont de la finalisation du scénario, et je lui partageais notre avancée sur l’écriture.”