Allemagne : une Révolution oui, mais avec qui?
“Bouleversement”, “changement profond”, “remise à plat”… Depuis l’élimination du Mondial mercredi, le monde du foot allemand appelle à tirer les conséquences de la débâcle mais joueurs et experts continuent à penser que le sélectionneur Joachim Löw reste l’homme le mieux placé pour orchestrer ce saut de génération.
“Les changements surviennent toujours après les tournois. Quelle ampleur vont-ils avoir maintenant? Je n’en sais rien”, a admis Toni Kroos dans la triste nuit de Kazan alors que la Fédération allemande (DFB) a donné une semaine au sélectionneur pour s’exprimer sur son avenir.
La capacité à analyser les catastrophes et les échecs pour en tirer les leçons est un trait culturel de l’Allemagne. Pour en rester au seul football, l’élimination au premier tour de l’Euro-2004 avait provoqué une révolution: Jürgen Klinsmann était arrivé et avait bousculé l’institution avec des idées novatrices sur la formation, la tactique, la préparation physique et mentale des internationaux.
Löw lui a emboîté le pas en 2006 et la Mannschaft a terminé depuis dans le dernier carré de tous les tournois. Jusqu’à mercredi.
Personne, jeudi matin, n’avait envie de tirer un trait sur ces douze années d’euphorie, qui ont culminé avec le titre mondial 2014.
Les joueurs, d’abord, ont tous fait bloc derrière leur sélectionneur. Morceaux choisis, à chaud: “Nous sommes tous convaincus par sa façon de faire” (Thomas Müller), “Il est l’entraîneur qui nous convient” (Julian Draxler), cet échec “n’a rien à voir avec l’entraîneur” (Manuel Neuer).
Löw: “trop tôt pour répondre”
Son employeur, le président de la DFB Reinhard Grindel, avait pris le risque de le conforter quelques heures seulement avant le match contre la Corée: “Avant le Mondial, nous avons décidé de prolonger le contrat de Joachim Löw (jusqu’en 2022) parce que nous pensons que personne mieux que lui ne peut gérer la reconstruction qui sera indispensable après le Mondial quoi qu’il arrive”, avait-il dit.
Jeudi, à son retour en Allemagne, M. Grindel a annoncé que la DFB allait livrer ses premières analyses dans le courant de la semaine prochaine. “Je pars du principe que le sélectionneur s’exprimera alors sur son avenir”, a-t-il ajouté, semblant laisser au héros de 2014 le choix de son destin.
Sous le choc, Joachim Löw lui-même n’a pas voulu se prononcer: “Il est trop tôt pour répondre… On va devoir mener des discussions, on verra comment ça continue”, a-t-il dit: “l’équipe n’a pas montré ce qu’elle peut faire en temps normal et moi, en tant qu’entraîneur, je suis responsable. Je dois évidemment me demander pourquoi nous n’avons pas réussi”.
Les “vieux” n’ont pas 30 ans
Les critiques, qui épargnent le sélectionneur, fondent en revanche sur les joueurs. Et d’abord sur la “génération 2014”, celle des champions du monde totalement passée à côté de son tournoi.
“Il faut maintenant un bouleversement profond”, dit ainsi l’ancien international Uli Stein, à l’unisson de nombre de grands anciens: “Il faut miser sur des joueurs jeunes, qui ont faim et qui ont envie, parce que les joueurs installés ont déçu”.
Facile à dire… Mais le problème, apparemment insoluble à court terme, est que la jeune génération n’est pas mûre pour prendre les commandes et que les “vieux” ont encore de belles années devant eux: Kroos et Müller ont 28 ans, Hummels, Özil et Boateng 29. Neuer en a 32 mais il a été le seul des anciens à tenir son rang en Russie.
“Je ne vais certainement pas annoncer mon retrait de l’équipe nationale à mon âge”, a immédiatement réagi Thomas Müller mercredi soir.
Löw, avant le tournoi, avait eu cette réflexion: “Une nouvelle génération arrive. Dans quatre ans, des joueurs comme Kimmich, Werner, Sané, Süle, Brandt ou Goretzka seront à leur zénith. C’est pour moi une grande motivation et une tâche exaltante”.
Il espérait que ces jeunes pousses s’épanouiraient à l’ombre de leurs aînés. Il se peut désormais qu’ils se retrouvent très vite au premier rang, dès les premiers matches de la nouvelle Ligue des nations contre les Pays-Bas et la France en octobre. Avec ou sans Joachim Löw.